Comment les tumeurs métastatiques reprogramment des cellules saines pour faciliter leur dissémination
La mortalité observée dans les cas de cancer du sein est presque exclusivement le résultat de métastases tumorales, processus dans lequel le cancer se propage par le système sanguin ou le système lymphatique pour former de nouvelles tumeurs localisées dans d’autres parties du corps. Bien que les cancers avancés au stade métastatique soient actuellement incurables, la clé pour les traiter réside dans une meilleure compréhension de la biologie des métastases tumorales. «Les stades précoces des métastases, c’est-à-dire après la résection de la tumeur primitive et avant le diagnostic de nouvelles métastases détectables à l’examen clinique, représentent une “boîte noire” chez les patients humains, ce qui limite notre capacité à prédire ou à prévenir une récidive métastatique» déclare Neta Erez qui dirige le laboratoire de biologie tumorale à l’Université de Tel-Aviv. «Découvrir les mécanismes qui sont à la base du processus métastatique reste actuellement la question la plus importante et la plus urgente dans la recherche sur le cancer; c’est une condition préalable indispensable pour découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques.» En travaillant sur le projet MetCAF (Uncovering the Role of Cancer Associated Fibroblasts in Facilitating Breast Cancer Metastasis), financé par l’UE, Neta Erez et son laboratoire ont entrepris de combler cette lacune.
Des fibroblastes associés au cancer
Le projet, qui a reçu le soutien du Conseil européen de la recherche, avait pour objectif de mettre en évidence les modifications observées au niveau de la niche métastatique située dans le poumon, qui facilite et permet la croissance des cellules cancéreuses disséminées dans les cas de cancer du sein. Pour cela, les chercheurs se sont attachés à caractériser les modifications au niveau des fibroblastes associés au cancer (FAC), des cellules stromales des poumons qui sont «reprogrammées» pour venir en aide aux cellules tumorales. «Nous avions précédemment découvert le rôle joué par les FAC dans la médiation de l’inflammation favorisant les tumeurs», explique Neta Erez. «Notre recherche s’appuie sur ces travaux antérieurs pour mieux comprendre le rôle joué par les FAC dans la formation d’une niche métastatique permissive qui induit la croissance de cellules tumorales disséminées.» Après avoir surmonté certains problèmes concernant l’isolement de fibroblastes pulmonaires selon un protocole efficace et reproductible, le projet a conduit à plusieurs découvertes importantes. Par exemple, en démontrant l’hétérogénéité et la plasticité des FAC dans le cas de métastases de cancer du sein, les chercheurs ont pu identifier les facteurs responsables d’une reprogrammation des FAC déclenchant des mécanismes qui induisent des tumeurs. Les chercheurs ont aussi montré que les FAC favorisent la formation de métastases au niveau du poumon en intervenant comme médiateurs de l’inflammation et en modulant la fonction des cellules immunitaires pour créer une niche favorable aux métastases. «Lorsque des fibroblastes détectent des dégâts tissulaires, ils activent les processus de fibrose et d’inflammation qui vont être favorables aux métastases observées dans le cas du cancer du sein», précise Neta Erez. En étudiant l’origine des FAC, les chercheurs ont observé qu’une importante sous-population de FAC ne réside pas réellement dans les poumons, comme on le pensait, mais est recrutée dans la moelle osseuse. «Ces FAC provenant de la moelle osseuse ont des rôles fonctionnels différents des FAC présents en permanence et jouent un rôle majeur pour induire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins essentiels à la croissance tumorale», ajoute Neta Erez.
Faciliter les métastases
Bien que la recherche soit toujours en cours, le projet MetCAF a déjà considérablement fait progresser notre compréhension de la manière dont les fibroblastes associés aux métastases coévoluent avec la progression des tumeurs, et favorisent les métastases en agissant comme médiateurs de l’inflammation et en modifiant le système immunitaire. «Les points essentiels à retenir de ce projet sont que le micro-environnement d’une tumeur est extrêmement hétérogène et que les fibroblastes jouent un rôle essentiel en facilitant les métastases», affirme Neta Erez. Bien sûr, aucun de ces résultats n’aurait été possible sans le soutien d’une brillante équipe d’étudiants et de post-doctorants. «Ces doctorants et post-doctorants ont été à l’origine des expériences et des découvertes», ajoute Neta Erez. «Je suis extrêmement fière qu’ils soient devenus des scientifiques indépendants et de haut niveau.» L’équipe de recherche travaille actuellement à la caractérisation du micro-environnement immunitaire existant dans le cas de métastases pulmonaires au niveau de la cellule unique. Neta Erez étend aussi ses recherches pour intégrer les métastases dans les os et le cerveau, deux des zones les plus souvent atteintes en cas de métastases distantes.
Mots‑clés
MetCAF, métastatique, cancer, recherche sur le cancer, tumeur, métastase tumorale, fibroblastes, cancer du sein