Comment l'interaction entre les bactéries provoque des infections
Une équipe de chercheurs financée par l'UE vient d'identifier un nouvel ensemble de gènes qui pourraient être responsables des infections provoquées par les microorganismes pathogènes, par exemple le streptocoque du groupe A, à l'origine de milliers de décès chaque année. L'étude, conduite dans le cadre du projet PATHOGENOMICS disposant d'un budget de 3 millions d'euros, a été financée au titre du sixième programme-cadre (6e PC). Elle aidera les scientifiques à mieux comprendre la façon dont les interactions bactéries-hôtes provoquent des infections à streptocoques. Les résultats sont publiés dans la revue PLoS (Public Library of Science) Pathogens. L'augmentation des infections provoquées par des microorganismes pathogènes s'explique par une résistance accrue aux médicaments anti-infectieux et par les vagues de tourisme et de migration mondiales. L'un de ces microorganismes est la bactérie pathogène humaine Streptococcus Groupe A (GAS), qui loge dans les voies respiratoires de l'homme. Les bactéries sont normalement inactives mais elles provoquent parfois toute une série de maladies, par exemple des problèmes mineurs de peau tels que l'impétigo et la pharyngite streptococcique, ou des problèmes plus invasifs tels que le syndrome du choc toxique ou la fasciite nécrosante (ces dernières années, les médias ont baptisé les bactéries à l'origine de cette maladie «bactéries mangeuses de chair»). Cette même bactérie entraîne également des maladies graves telles que la fièvre rhumatismale ou les rhumatismes cardiaques et est à l'origine de près de 500 000 décès par an. Les recherches ont été menées dans le cadre du projet PATHOGENOMICS («Trans-European cooperation and coordination of genome sequencing and functional genomics of human-pathogenic microorganisms»), qui vise à rassembler des programmes de recherche de plusieurs pays pour financer et coordonner des projets de recherche sur le génome. Actuellement, on dispose de peu d'éléments sur la raison de la conversion de la bactérie de l'état inoffensif à l'état pathogène dans les infections au GAS. Les bactéries vivent normalement «en communauté» et non pas comme des microorganismes solitaires; aussi les systèmes de communication entre les bactéries sont-ils très importants pour comprendre leur interaction avec les hôtes. La plupart des communications entre les cellules bactériennes se font par l'intermédiaire de molécules de signalisation qui sont secrétées et «détectées» par les bactéries. Si le niveau de molécules de signalisation est suffisamment élevé, il peut activer l'expression des gènes qui coordonne le comportement des cellules bactériennes. Cette activation n'a lieu qu'en présence d'un nombre suffisant de bactéries (un processus que l'on appelle «détection du quorum»). L'étude, menée par le professeur Emanuel Hanski de la faculté de médecine de l'université hébraïque de Jérusalem (Israël), a permis d'identifier un nouvel ensemble de gènes chez la bactérie GAS et chez une souche connexe, le streptocoque du groupe G (GGS). Ces gènes sont activés par un peptide sensible à la détection du quorum appelé SilCR. SilCR n'est pas fonctionnel dans les souches hautement invasives de GAS, ce qui indique que ces nouveaux gènes pourraient participer à la colonisation et au développement de relations commensales entre l'hôte et la bactérie. Les résultats de la recherche montrent également que les souches GAS et GGS peuvent «détecter» leurs molécules SilCR respectives, ce qui signifie qu'elles peuvent coordonner leur pathogénicité et créer un nouveau système de communication entre les bactéries. «Cette étude ouvre la voie à de nouvelles possibilités très intéressantes pour le contrôle de la pathogénicité du streptocoque A, qui peut être à l'origine de nombreuses maladies invasives mettant notre vie en danger», déclare le Dr Marion Karrasch-Bott de l'institut de recherche allemand Forschungszentrum Jülich GmbH, coordinatrice du projet PATHOGENOMICS. Elle ajoute: «Les chercheurs ont non seulement identifié un nouvel élément génétique qui contrôle la virulence des bactéries, mais également un ensemble de gènes régulés par cet élément. Cette découverte nous permettra de mieux comprendre la façon dont les interactions hôtes-bactéries peuvent mener à une coexistence dans certains cas ou à de violentes infections dans d'autres; elle mènera à terme au développement de médicaments innovants qui pourraient éviter aux bactéries de prendre les mauvaises décisions.»