Comprendre comment les groupes politiques du Parlement européen influencent la politique d’égalité des genres
«Le Parlement européen est souvent perçu de l’extérieur comme un acteur unifié», explique Johanna Kantola, responsable du projet EUGenDem et professeure de sociétés européennes et de leur politique à l’université d’Helsinki en Finlande. «Les gens diront, par exemple, “voici ce que fait le Parlement”, ou “voici ce que dit le Parlement”». Cependant, ce point de vue ne tient pas compte du rôle important que jouent les groupes politiquement alignés dans l’élaboration de la politique et des politiques de l’UE. Ces groupes peuvent être composés de membres d’un ou de plusieurs partis politiques. Les groupes officiellement reconnus sont le Parti populaire européen, l’Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates et Renew Europe ( Renaissance Europe). Le projet EUGenDem, financé par le Conseil européen de la recherche, a pour objectif d’effectuer des recherches approfondies sur le fonctionnement de plusieurs groupes politiques, en mettant l’accent sur le genre. «Il y a cette idée qu’il s’agit d’un “parlement de l’égalité”», note Johanna Kantola. «Nous voulions vérifier si c’était vraiment le cas.»
Absence de procédures formalisées en matière d’égalité
«Nous ne nous sommes pas contentés d’examiner des données quantitatives, telles que les habitudes de vote en fonction du genre, mais nous nous sommes intéressés à ce qui se passe réellement au Parlement au quotidien», ajoute Johanna Kantola. «Pour cela, les entretiens étaient la source évidente de données.» Au cours du projet, Johanna Kantola et son équipe ont interrogé environ 140 MPE et leur personnel, issus de huit groupes politiques. L’équipe du projet a également passé des journées à observer des MPE et à assister à des réunions. «Il s’agissait de comprendre les structures politiques informelles en place, la manière dont les pratiques quotidiennes de chaque groupe politique façonnent la politique, et la manière dont ces pratiques peuvent être genrées», explique Johanna Kantola. L’absence de pratiques et de procédures formalisées en matière d’égalité, tant au niveau institutionnel qu’au niveau des groupes politiques, a été une constatation surprenante. «Il n’y a rien de mauvais en soi dans ces pratiques, mais, envisagées sous l’angle de l’égalité, elles peuvent s’avérer critiques», déclare Johanna Kantola. «Par exemple, nous nous sommes entretenus avec une MPE qui a plaisanté sur le fait que les femmes qui arrivent au Parlement pour la première fois sont encore en train de chercher les toilettes, alors que les hommes occupent déjà les postes les plus élevés.» Les chercheurs ont également mis en évidence les défis spécifiques auxquels chaque groupe politique est confronté lorsqu’il s’agit de lutter contre les inégalités de genre. Et, malgré leur nature transnationale, la politique nationale continue de jouer un rôle majeur dans de nombreux groupes.
L’égalité des genres au niveau des groupes politiques
Ces résultats ont déjà été communiqués aux universitaires et aux praticiens politiques. Un séminaire parlementaire a été organisé, auquel les MPE et le personnel ont été invités. «Notre message clé était que les progrès en matière d’égalité des genres doivent être réalisés au niveau des groupes politiques», fait remarquer Johanna Kantola. «Nous avons également identifié les défis spécifiques auxquels chaque groupe est confronté, ainsi que les bonnes et les mauvaises pratiques.» Le projet a également touché les universitaires et les citoyens, avec «European Parliament’s Political Groups in Turbulent Times» (Les groupes politiques du Parlement européen dans la tourmente), un livre en libre accès. Cette publication analyse et évalue le rôle et l’importance des groupes politiques dans la politique de l’UE. En réponse à l’énorme intérêt suscité par le projet, Johanna Kantola et ses collègues ont également publié «Guide to Qualitative Research in Parliaments» (Guide vers la recherche qualitative au sein des Parlements), qui met l’accent sur les enquêtes menées par EUGenDem. «L’ouvrage s’adresse davantage aux universitaires et explique comment nous avons recueilli et analysé les données», explique-t-elle. EUGenDem a également contribué à mettre en lumière l’importance du Parlement européen pour l’avenir de l’Europe. «Je pense que notre recherche peut aider les citoyens à comprendre que le Parlement est un lieu actif où des choses se passent», note Johanna Kantola. «Chaque fois qu’il y a une crise, elle se joue au Parlement. Notre recherche se concentre également sur l’élément humain du Parlement: il s’agit d’une institution vivante qui compte vraiment.»
Mots‑clés
EUGenDem, MPE, élections, politique, parlement, genre, égalité