L'immunothérapie orale pour la mucoviscidose
La mucoviscidose, provoquée par une mutation au niveau du gène CFTR, conduit à une accumulation de mucus dans les poumons, ce qui prédispose les personnes aux infections, et à terme, à une obstruction pulmonaire mortelle. Plus de 1 700 mutations ont été identifiées avec une prévalence globale d'une sur 2 500 personnes. La grande majorité des patients atteints de mucoviscidose sont infectés par la bactérie gram négatif Pseudomonas aeruginosa (PA). Le traitement antibiotique n'est efficace qu'au cours des premières étapes de la maladie; d'inévitables infections récurrentes culmineront en une infection pulmonaire chronique. Curieusement, les souches de PA des patients atteints de mucoviscidose sont plus résistantes aux antibiotiques que les souches de PA isolées dans d'autres groupes de patients. La mucoviscidose étant mortelle et susceptible de développer une résistance croissante aux antibiotiques, il est de prime importance de trouver des alternatives efficaces aux antibiotiques actuels. Dix pays européens ont collaboré en vue de développer des anticorps aviaires thérapeutiques IgY contre la PA avec une désignation de médicament orphelin. Pour ce faire, le projet IMPACTT (Immunoglobulin IgY pseudomonas A clinical trial for cystic fibrosis treatment), financé par l'UE, a été mis en œuvre. Des anticorps produits dans le jaune d'œuf Des anticorps IgY aviaires ont été produits dans le jaune d'œuf de poules pondeuses vaccinées contre la PA. Grâce à l'extraction d'eau, les anticorps ont été purifiés à partir du jaune d'œuf, afin de produire une formule contenant seulement des protéines d'œufs et de l'eau. «Lorsque les anticorps sont administrés par voie orale, le risque d'effets indésirables graves ne devrait pas dépasser le risque associé à la consommation d'œufs», explique le professeur Larsson, coordinateur du projet IMPACTT. De précédentes études cliniques de phase I ont montré que si les patients procèdent à des gargarismes tous les soirs avec la solution IgY, la PA ne peut pénétrer dans les poumons. Un seul gargarisme par jour suffisait pour empêcher les infections récurrentes et chroniques. Le consortium IMPACTT souhaitait étendre l'immunothérapie par anticorps IgY anti-Pseudomonas en un traitement pharmaceutique qui profitera aux patients atteints de la mucoviscidose au sein de l'UE et dans le monde. Des travaux précliniques effectués par les scientifiques d'IMPACTT ont indiqué que l'administration orale de l'IgY anti-Pseudomonas est bien tolérée, ne nuit pas au tube digestif, et n'affecte pas la microflore bactérienne normale et pathogène des souris traitées. Le mécanisme des études d'action a révélé que l'IgY opsonise les bactéries et augmente leur internalisation en des neutrophiles polymorphonucléaires. À son tour, cela implique une clairance bactérienne plus rapide dans les voies de la mucoviscidose et suggère que les anticorps IgY pourraient servir à stimuler l'immunité innée contre la PA. Par ailleurs, le consortium s'est penché sur plus de vingt souches de PA, dont certains antigènes utilisés pour l'immunisation. «L'IgY anti-Pseudomonas s'est avéré être immunoréactif contre toutes les souches testées, renforçant son utilisation potentielle en tant que traitement prophylactique contre la PA», poursuit le professeur Larsson. Essai clinique L'objectif principal du projet IMPACTT était de mener un essai clinique randomisé de phase III, contrôlé par placebo, en double aveugle dans divers centres d'Europe. 164 patients atteints de mucoviscidose ont été recrutés pour étudier les effets préventifs et thérapeutiques de l'IgY anti-Pseudomonas chez les patients atteints de la maladie. L'essai a évalué la récurrence de la PA dans l'expectoration des patients qui ont reçu par voie orale l'IgY anti-Pseudomonas ou une formule placebo pendant deux ans. Par ailleurs, il a montré que ces anticorps étaient présents dans la cavité orale des patients jusqu'à 24 heures plus tard sans entraîner de réaction immune ou allergique indésirable. L'infection chronique par PA est la cause la plus courante de morbidité et de mortalité chez les patients atteints de fibrose cystique. L'intervention IMPACTT fondée sur les anticorps constitue une prophylaxie valide qui minimise le risque de résistance antibiotique. Les résultats de cette étude s'étendent au-delà de la mucoviscidose, soutenant le développement d'immunothérapies orales basées sur l'IgY afin de remplacer les antimicrobiens existants. Une approche similaire pourrait également servir à la prévention d'infections bactériennes chez les animaux.
Mots‑clés
Mucoviscidose, Pseudomonas aeruginosa, IMPACTT, anticorps IgY, essai clinique phase III