Décoder les signaux des lymphocytes B pour mieux traiter la leucémie
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une forme de cancer répandue et difficile à traiter, caractérisée par une croissance incontrôlée des lymphocytes B, les cellules qui produisent des anticorps pour lutter contre les infections. Généralement, chaque lymphocyte B exprime à sa surface un récepteur de lymphocytes B (BCR pour B cell receptor) unique qui reconnaît et lie un antigène spécifique (étranger). Dans des circonstances normales, les BCR des différents lymphocytes B sont très diversifiés. Cependant, un important sous-ensemble de patients atteints de LLC possède des lymphocytes B disposant de BCR stéréotypés qui partagent des régions de liaison à l’antigène très similaires, voire identiques. Cela indique un rôle possible des antigènes spécifiques dans l’initiation et la progression de la maladie et suggère l’idée que la LLC pourrait être une maladie clonale imputable à une stimulation chronique des lymphocytes B par des antigènes spécifiques.
Aperçu du rôle des BCR dans la LLC
Mené avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA), le projet BCRES-CLL se propose d’élucider le rôle des BCR dans l’apparition et la progression de la LLC. «Une meilleure compréhension du fonctionnement des BCR dans cette maladie pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements, présentant moins d’effets secondaires et moins de résistance que les options actuelles», explique Franco Fais, coordinateur du projet. Les chercheurs ont stimulé des cellules saines de donneurs normaux et des cellules leucémiques de patients atteints de LLC dans des conditions qui reproduisent l’activation des BCR in vivo. Ils ont ensuite évalué des marqueurs biologiques clés, notamment la partie immunoglobuline des BCR, la prolifération cellulaire et la migration. Ils ont également identifié des gènes impliqués dans ce processus qui pourraient être exploités pour développer de nouvelles thérapies. Les résultats du projet suggèrent que le rôle de l’immunoglobuline BCR varie au cours du cycle de vie de la cellule leucémique, avec un impact différent sur la survie et la croissance de la cellule. Les recherches en cours sur le mécanisme sous-jacent permettront de mieux comprendre comment les BCR induisent la prolifération cellulaire et augmentent l’acquisition de nouvelles mutations associées à la résistance au traitement.
Améliorer la classification de la maladie
La classification de la LLC constitue un aspect essentiel de la prise en charge et du traitement de la maladie. Il existe deux systèmes globaux de classification de la LLC: le système de classification de Rai et le système de classification de Binet. Ces systèmes stratifient les patients sur la base de résultats cliniques et de laboratoire tels que la numération des lymphocytes, l’implication des ganglions lymphatiques, l’hypertrophie de la rate et du foie, l’anémie ou la faible numération plaquettaire. Toutefois, à mesure qu’évolue la compréhension de la LLC, des marqueurs moléculaires et génétiques sont nécessaires pour fournir une évaluation plus complète de la maladie et de son évolution probable. Comme l’explique Andrea Mazzarello, chargé de recherche au MSCA: «La LLC est une maladie très hétérogène, certains patients nécessitant un traitement dès le diagnostic alors que d’autres n’en ont pas besoin pendant des années. Qui plus est, les personnes qui suivent un traitement peuvent développer une résistance par le biais de mécanismes très différents». L’équipe du projet BCRES-CLL a développé un algorithme d’apprentissage automatique et des outils informatiques destinés à spécifier les associations entre les paramètres biologiques et cliniques. Cette technologie leur a permis de classer les patients dans des sous-groupes en fonction de leur isotype d’immunoglobuline BCR, qui peut influencer la façon dont les cellules de la LLC répondent aux signaux externes. «Notre technologie d’apprentissage automatique est très prometteuse pour la pratique clinique, car elle peut contribuer à identifier les paramètres de progression de la maladie. Cela pourrait mener au développement de nouveaux médicaments ciblant ces gènes ou molécules critiques», souligne Franco Fais. À long terme, avec l’augmentation du nombre de données biologiques et cliniques, cette technologie pourrait devenir un outil de pronostic dans la pratique clinique courante, permettant d’anticiper à la fois l’évolution de la maladie et la thérapie la plus efficace pour chaque patient.
Mots‑clés
BCRES-CLL, traitement, immunoglobuline, apprentissage automatique, lymphocyte B, récepteur des lymphocytes B, leucémie lymphocytaire chronique