Premier vol piloté d’un aéronef électrique à hydrogène liquide
Si l’aviation dans l’UE contribue à 3 % des émissions mondiales, son effet global sur le changement climatique est plus important en raison de mécanismes secondaires. Les aéronefs équipés de groupes motopropulseurs électriques à hydrogène offrent une alternative moins polluante, car le système de pile à combustible génère de l’énergie électrique par une réaction chimique entre l’hydrogène et l’oxygène, la vapeur d’eau étant le seul sous-produit. En outre, ces systèmes fonctionnent silencieusement, ce qui réduit le niveau de bruit des vols. «Mais d’abord, pour répondre aux normes de fiabilité, de sécurité et de poids de l’aviation, il faut améliorer les aspects critiques liés au fonctionnement des piles à combustible, en particulier la gestion de l’air, du carburant, de l’eau et de la chaleur», selon Maria Sol Rau, coordinatrice du projet HEAVEN financé par l’UE. Le consortium du projet a mis au point un prototype de groupe motopropulseur hybride-électrique composé d’un système de pile à combustible à haute densité de puissance et d’un système de stockage d’hydrogène cryogénique à haute densité d’énergie. «Nous avons transféré les principales innovations en matière de piles à combustible et d’hydrogène liquide des secteurs automobile et spatial à l’aviation, en développant le savoir-faire et en validant les performances, l’autonomie, l’efficacité et les réductions d’émissions», note Maria Sol Rau de H2FLY, le coordinateur du projet. En septembre 2023, le consortium HEAVEN a procédé avec succès au premier vol à l’hydrogène liquide au monde avec l’aéronef expérimental HY4 à l’aéroport de Maribor, en Slovénie.
Le groupe motopropulseur fait ses preuves
L’intégration de systèmes de piles à combustible dans un aéronef capable de fonctionner avec de l’hydrogène cryogénique, au lieu de l’hydrogène gazeux, constitue un défi. Les composants standard sont souvent inadaptés, ce qui nécessite des options sur mesure. En outre, l’infrastructure doit permettre le déploiement de systèmes de stockage d’hydrogène dotés d’une ventilation efficace, construire des réseaux de transport et mettre en place des systèmes de ravitaillement dans les installations d’essai ou les aéroports. «Ces démarches nécessitent un investissement financier important, une coordination minutieuse et des solutions d’ingénierie innovantes. Mais si nous y parvenons, nous disposerions d’une alternative véritablement compétitive aux moteurs à combustion conventionnels, avec des coûts d’exploitation réduits, une décarbonation et de nouveaux itinéraires», ajoute Maria Sol Rau. Au cours du projet, Air Liquide Advanced Technologies (ALAT) a conçu, construit et optimisé le réservoir d’hydrogène liquide, ainsi que l’équipement de soutien au sol nécessaire (avec ventilation) pour les opérations de ravitaillement conformément aux exigences de H2FLY. Pipistrel Vertical Solutions a dirigé l’intégration du réservoir d’hydrogène liquide dans l’aéronef d’essai, en apportant des modifications à la cellule et en procédant à des essais de sécurité structurelle. H2FLY a ensuite couplé le réservoir au système de pile à combustible de l’aéronef dans les installations d’essai d’ALAT en France. L’aéronef d’essai électrique à hydrogène HY4, précédemment acheté par H2FLY pour des projets antérieurs tels que MAHEPA, financé par l’UE, a présenté le prototype du système de groupe motopropulseur de HEAVEN à la fin de l’été 2023. Après sept vols d’essai, trois utilisant de l’hydrogène gazeux et les quatre derniers de l’hydrogène liquide comme source d’énergie, le consortium HEAVEN a démontré avec succès que l’hydrogène liquide peut doubler l’autonomie maximale de l’aéronef HY4, la faisant passer de 750 km à 1 500 km. «Nous avons atteint plus de trois heures de vol en un seul essai, et les résultats positifs globaux nous rapprochent des vols commerciaux moyen et long-courriers sans émissions», déclare Maria Sol Rau.
Potentiel long-courrier pour de plus grands aéronefs
L’utilisation d’hydrogène liquide cryogénique par rapport au stockage d’hydrogène gazeux sous pression contribuer à réduire considérablement le poids et le volume des réservoirs, ce qui augmente le rayon d’action et la charge utile de l’aéronef. «L’accent que nous mettons sur le stockage et l’infrastructure de l’hydrogène liquide dans l’aviation contribue aux ambitions de l’UE pour un écosystème énergétique propre à hydrogène dans différents secteurs, ainsi qu’à l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 du pacte vert pour l’Europe », conclut Maria Sol Rau. L’équipe continue de développer la pile à combustible et les systèmes d’hydrogène liquide pour permettre son application dans des aéronefs plus grands, ayant un plus grand rayon d’action. En fin de compte, le succès des vols électriques à hydrogène dépendra également de la mise en place d’infrastructures aéroportuaires adaptées à l’hydrogène, ainsi que d’une production, d’un stockage et d’une distribution suffisants d’hydrogène liquide vert.
Mots‑clés
HEAVEN, hydrogène, aéronef, groupe motopropulseur, aviation, pile à combustible, cryogénique, vol, gaz à effet de serre