Les sels fondus améliorent la production de biocarburants pour les transports
La lignocellulose, un polymère contenant de la cellulose, de l’hémicellulose et de la lignine, représente l’une des armes les plus redoutables dans notre lutte contre le changement climatique. Les flux de déchets de lignocellulose sont des sous-produits de divers secteurs industriels tels que l’agriculture (canne de maïs, paille) et la sylviculture (déchets de papeterie). La transformation de cette matière première en énergie, par exemple sous la forme de biocarburants, contribue à réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles.
Surmonter les entraves à l’utilisation commerciale des biocarburants
Les possibilités d’utilisation de la lignocellulose, comme matière première pour des applications avancées de biocarburants, ont été limitées par la technologie de conversion elle-même. L’extraction des sucres (monosaccharides simples) de la biomasse lignocellulosique et leur synthèse en carburants représentent un véritable défi, car la lignocellulose est conçue par nature pour résister à la dégradation. Cette conversion doit s’appuyer sur des technologies économiques afin de stimuler l’adoption des biocarburants. Le projet ABC-SALT, financé par l’UE, a développé une méthode plus efficace de déconstruction de la biomasse lignocellulosique en traitant la biomasse avec des sels fondus (des sels qui sont solides à température ambiante, mais qui passent en phase liquide à des températures élevées). «ABC-SALT a présenté une voie innovante pour la production de distillats moyens durables à partir de la biomasse, avec des rendements en hydrocarbures plus élevés», explique le coordinateur du projet, Erik Heeres. «Les carburants dérivés de la biomasse ont été produits à partir de plusieurs flux de déchets lignocellulosiques, y compris des flux riches en lignine. Ces flux de déchets, qui sont disponibles en abondance et peu coûteux, permettront de surmonter les limitations liées aux matières premières tout en maintenant de courtes chaînes d’approvisionnement.» Les distillats moyens sont des carburants importants dans le secteur des transports, qu’ils soient routiers (diesel) ou aériens (carburéacteur).
Une voie prometteuse de la biomasse aux distillats moyens
Le processus de conversion thermochimique avancé mis en œuvre par ABC-SALT comporte plusieurs étapes fondamentales. Tout d’abord, la biomasse est dissoute à l’aide de sels fondus appropriés. Elle est ensuite introduite dans une machine d’hydropyrolyse, où elle est rapidement chauffée sans oxygène. Une étape d’hydrodésoxygénation catalytique permet d’éliminer l’oxygène des flux de biomasse après l’hydropyrolyse. «Les sels fondus présentent un grand potentiel de liquéfacteurs, car ils maximisent la fraction liquide dans l’hydropyrolyse rapide et agissent en tant que catalyseurs. Outre leur capacité à facilement dissoudre la biomasse, les sels fondus sélectionnés ont présenté une forte capacité thermique, une haute conductivité thermique et une faible pression de vapeur», explique Erik Heeres. Il a également fallu sélectionner un sel fondu dont le point de fusion était suffisamment bas pour éviter la production de cendres ou de charbons, mais suffisamment élevé pour liquéfier la biomasse. Par ailleurs, la haute stabilité thermique a joué un rôle essentiel dans la prévention de la décomposition du sel à haute température. Des échantillons d’huiles dérivées de l’hydropyrolyse de la lignine ont été hydrotraités avec succès dans des configurations discontinues et continues. Des rendements élevés en carbone ont été obtenus (jusqu’à 90 %), tandis que la majorité des produits hydrocarbonés se situaient dans la gamme des distillats moyens.
Atteindre un niveau de maturité technologique plus élevé
Le concept intégré a été démontré en laboratoire dans une unité dédiée de banc d’essai. Il servira de prototype pour un futur système de production de carburant en milieu industriel, ce qui permettra à la technologie de dépasser le TRL 4. «Les connaissances scientifiques générées par ABC-SALT permettront aux principales parties prenantes du secteur des biocarburants (les décideurs politiques, les autorités de régulation, l’industrie, etc.) de formuler des choix stratégiques concernant les technologies énergétiques futures et de les intégrer dans les systèmes énergétiques actuels et à venir. Nous étudions actuellement la possibilité de mettre en place de nouveaux projets basés sur les connaissances acquises et de faire passer la technologie au TRL 5-6», conclut Erik Heeres.
Mots‑clés
ABC-SALT, biomasse, biocarburant, sels fondus, lignocellulose, distillats moyens, hydropyrolyse, hydrodésoxygénation