Guider les nanomédicaments à base d’ARN vers le cerveau
Les troubles neurodégénératifs tels que la maladie d’Alzheimer affectent des millions de personnes dans le monde, pourtant, il n’existe que très peu de traitements. Ces médicaments peuvent seulement éliminer les symptômes et prévenir de nouveaux dommages neurologiques, mais ils ne permettent pas de guérir. En outre, l’administration de médicaments au cerveau à travers la barrière hémato-encéphalique représente un défi de taille, étant donné que son architecture empêche le mouvement des molécules. Surmonter ou contourner cette barrière nécessite de développer des systèmes d’administration efficaces et intelligents.
Exploiter les ligands qui ciblent la barrière sang-liquide cérébrospinal
Le projet B-SMART, financé par l’UE, a utilisé des nanomatériaux pour charger les substances thérapeutiques actives et les administrer au cerveau. «Nous avons commencé avec des ligands de ciblage connus, une partie de la toxine tétanique, de toute évidence pas la partie qui cause la maladie, mais celle qui est responsable de l’accumulation dans le cerveau, ainsi que des peptides de la glycoprotéine du virus de la rage qui jouent le même rôle pour la rage», explique Raymond Schiffelers, professeur de nanomédecine au Centre médical universitaire d’Utrecht et coordinateur du projet B-SMART. Des chercheurs ont placé ces structures à la surface de nanoparticules et démontré une meilleure pénétration. En même temps, la quantité absolue administrée était faible. De plus, l’équipe de la professeure Roosmarijn Vandenbroucke à l’institut de recherche VIB a mis au point de petits fragments d’anticorps connus sous le terme de nanocorps qui ciblent la barrière sang-liquide cérébrospinal. «En substance, nous avons profité du transport de fluides et de nutriments à travers cette barrière, en quelque sorte un moyen détourné, et emprunté ces voies pour pénétrer dans le cerveau», souligne Raymond Schiffelers.
Des substances thérapeutiques à base d’ARN pour le cerveau
Ces dernières années, les molécules d’ARN ont émergé comme des substances thérapeutiques prometteuses pour de nombreuses maladies malgré leur fragilité. Les scientifiques de B-SMART ont dû surmonter deux contraintes principales: les molécules d’ARN ne se dirigent pas vers le cerveau et sont trop grandes et chargées pour pénétrer dans les cellules. Ils ont donc utilisé des nanoparticules pour protéger et véhiculer l’ARN vers le cerveau. Le consortium a travaillé sur trois types différents de nanotransporteurs: des nanoparticules lipidiques établies, des nanotransporteurs synthétiques émergents et des nanoparticules biologiques exploratoires. Tous ont fait l’objet d’une caractérisation physicochimique approfondie, de tests d’efficacité et de toxicité en recourant à des essais thérapeutiques et de gènes rapporteurs in vitro, ainsi qu’à des modèles murins de maladies neurodégénératives et rares. Ils ont également examiné différentes voies d’administration: intraveineuse, intranasale et locale.
Une production de nanomédicaments fiable
L’équipe de B-SMART a mis au point un pipeline de production de nanotransporteurs fiable en recourant à la microfluidique qui garantissait une production reproductible de nanomédicaments. Cette démarche a considérablement facilité la transition vers des nanomédicaments de qualité clinique conformes aux bonnes pratiques de fabrication. Selon Raymond Schiffelers, ce pipeline représentait la plus grande réalisation du projet: «Lorsque B-SMART a débuté, nous savions que nous devions établir un lien entre, d’une part, la conception et la performance des nanotransporteurs, et de l’autre, le contrôle de la qualité et la fabrication. Ce sont deux mondes différents». Les différentes équipes ont dû étroitement collaborer pour tenir compte des changements apportés dans la conception des nanomédicaments dans les nouveaux essais de performance ainsi que dans les protocoles de contrôle de la qualité. Cette collaboration a mené à la fabrication préclinique d’une nanoparticule lipidique qui transporte une molécule de petit ARN interférent. Un nanotransporteur similaire a obtenu une approbation de l’Agence européenne des médicaments pour traiter une maladie rare du foie. L’écosystème de production de B-SMART ressemblait à un banc d’essai d’innovation ouverte pour des nanomédicaments en offrant un accès commun aux installations et aux services afin d’améliorer les nanotechnologies. L’expertise acquise a servi dans de nouveaux projets tels que EXPERT et NANOSPRESSO-NL.
Mots‑clés
B-SMART, cerveau, nanomédicament, ARN, nanoparticule, nanotransporteur, barrière sang-liquide cérébrospinal, maladie neurodégénérative, maladie d’Alzheimer