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Les mystères des profondeurs de l’Atlantique dévoilés face au changement climatique

ATLAS est de ces projets qu’il est impossible de décrire dans un article d’une seule page. Depuis plus de trois ans et demi, un consortium d’industries multinationales, de PME, de gouvernements et d’universités navigue à travers l’Atlantique pour évaluer les écosystèmes de ses hautes mers. Ce faisant, ils ont déjà réussi à approfondir notre compréhension des conséquences du changement climatique, et à élaborer de meilleures politiques et pratiques de gestion.

ATLAS (A Trans-AtLantic Assessment and deep-water ecosystem-based Spatial management plan for Europe) est né de la prise de conscience des nombreux mystères que recèle encore l’océan Atlantique, alors même qu’il est l’un des océans les plus étudiés de la planète. En outre, son évolution suit un rythme plus rapide qu’au cours des six derniers millions d’années. Comment évolue-t-il exactement, quelles seront ses évolutions à venir et comment pouvons-nous mieux l’exploiter pour éviter des conséquences dramatiques: voilà quelques‑unes des questions qui structurent ce projet. Avec 34 missions en eaux profondes, ATLAS a abordé des sujets aussi variés que la connectivité des habitats coralliens en eaux profondes, la gouvernance maritime, l’identification des écosystèmes vulnérables et le devenir de la circulation méridienne de retournement Atlantique (AMOC). Le professeur Murray Roberts, coordinateur d’ATLAS, discute de l’approche, des résultats et de l’impact escompté du projet.

Quel type de lacunes en terme de connaissances aviez-vous pour objectif de combler avec ce projet?

ATLAS se concentre sur la compréhension des écosystèmes des grands fonds marins de l’Atlantique. Ce sont les écosystèmes les plus méconnus, mais aussi les plus vulnérables face aux impacts croissants des activités humaines liées à la pêche et à la production de pétrole/gaz en eaux profondes. Ces écosystèmes sont également largement touchés par les conséquences plus larges du changement climatique mondial, telles que l’acidification, le réchauffement et la désoxygénation des océans, et la situation pourrait s’aggraver si l’exploitation minière en eaux profondes devient une réalité. La réalité actuelle est que la gestion des écosystèmes des eaux profondes est très sectorielle. Des pêcheurs aux sociétés pétrolières et gazières, chaque partie prenante suit son propre chemin. En outre, ces plans ont été élaborés avec une compréhension écologique réduite. Par exemple, les appellations aires marines protégées ne tiennent guère compte de la connectivité des écosystèmes. ATLAS crée des modèles mathématiques sur la manière dont les zones clés sont connectées en simulant le transfert des larves à travers l’Atlantique.

Quels sont les aspects les plus innovants de votre approche?

Nous fondons tous nos travaux sur la physique de l’Atlantique. Nous utilisons ensuite cette solide compréhension des courants océaniques pour étudier le fonctionnement, la biodiversité/biogéographie et la connectivité des écosystèmes. De plus, nous intégrons des analyses socio-économiques et la perception qu’ont les individus des écosystèmes profonds. Le rôle des individus et des opinions personnelles est trop souvent ignoré ou pas pris au sérieux. Les sciences sociales et la politique sont au cœur de tout ce que fait ATLAS.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les expéditions que vous avez organisées? Quelle était l’étendue de leurs missions et comment avez-vous procédé pour choisir les études de cas?

Jusqu’à présent, ATLAS a dirigé ou participé à 34 expéditions en mer. Si je devais en sélectionner deux, je choisirais probablement l’expédition MEDWAVES de 2016, dirigée par l’Institut espagnol d’océanographie et notre collaboration de deux ans avec les Canadiens pour étudier les éponges dans le détroit de Davis. La première expédition visait à comprendre comment l’eau sortant de la Méditerranée influait sur la biodiversité et la biogéographie des monts sous-marins et se déplaçait de l’Espagne aux Açores. L’équipe MEDWAVES explore des concepts scientifiques majeurs sur les liens écologiques entre la Méditerranée et l’Atlantique. La deuxième expédition a obligé ATLAS à travailler à bord du brise-glace «Amundsen» des Gardes côtes canadiens pour étudier la région, évaluer l’approvisionnement en nourriture des éponges et laisser les atterrisseurs à long terme de nos partenaires aux États-Unis rassemblés plus tôt cet été. L’expédition «Amundsen» est un exemple fantastique de la façon dont ATLAS a réuni des partenariats transatlantiques pour obtenir des résultats que nous n’aurions pas obtenus autrement.

Selon vous, quelles sont vos découvertes les plus importantes? Pouvez-vous fournir un ou deux exemples concrets?

Il y en a beaucoup. Nous avons publié 59 articles examinés par des pairs et 74 autres sont en préparation. Je pourrais probablement mettre en évidence les articles parus dans les revues «Nature» et «Science» des séances de travail sur la physique. L’article paru dans la revue «Nature» de Thornalley et al. en particulier est important, car il montre que la circulation méridienne de retournement Atlantique — qui régule le climat en répartissant la chaleur dans le monde entier et dont l’arrêt potentiel inspirait le film à succès «Le jour d’après» en 2004 — tourne déjà plus lentement qu’on ne l’avait pensé. On s’attend même à ce que le changement climatique mondial accentue ce ralentissement. Nous pourrions discuter de nombreuses autres questions, en allant des microplastiques à la politique et à l’économie marines, qui ont toutes été couvertes par le projet.

Quelles sont les principales recommandations de croissance bleue résultant du projet?

Les principales recommandations portent sur l’importance primordiale de mieux comprendre les écosystèmes. Nous devons savoir comment ils réagiront aux conditions changeantes de l’océan AVANT de pouvoir élaborer des plans de gestion. Par exemple, ATLAS a participé à des négociations cruciales à l’ONU visant à créer un nouvel instrument juridique pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité dans des zones situées au-delà de la juridiction nationale, appelé processus BBNJ. Nous étions présents aux comités préparatoires et aux conférences intergouvernementales en cours. La 3e CIG s’est tenue au siège de l’ONU en août et notre équipe politique y a réalisé un travail important. Il existe plusieurs autres exemples, notamment notre travail chez Ocean Business plus tôt cette année et les produits livrables toujours en développement. Par exemple, nous avons cherché comment l’industrie pétrolière pourrait adapter ses opérations à la lumière des conclusions d’ATLAS.

Quel est l’espoir d’ATLAS sur le long terme, compte tenu notamment de l’accélération récente des catastrophes provoquées par le changement climatique et de la prise de conscience croissante du public?

Nous espérons que le projet mènera à une meilleure gestion des océans et nous nous sommes pleinement engagés dans le processus scientifique-politique pour y parvenir. Nous plaçons également les individus au cœur de tout ce que nous réalisons, ce qui devrait nous permettre d’avoir un impact sur le long terme. Par exemple, nous avons élaboré de nouveaux matériels pédagogiques en partenariat avec notre responsable pédagogique de Dynamic Earth — l’un des plus grands sites d’intérêt européen consacrés aux sciences de la Terre — ainsi qu’une nouvelle galerie consacrée aux océans pour présenter le travail d’ATLAS.

Avez-vous des plans de suivi?

Oui, divers projets sont à venir. L’exemple le plus important est un nouveau projet H2020 «iAtlantic; une évaluation intégrée des écosystèmes marins de l’Atlantique dans l’espace et dans le temps». Je coordonne également ce projet. Nous avons créé un consortium qui adopte l’approche ATLAS et étend certains aspects de ses travaux à l’ensemble de l’océan Atlantique, ses profondeurs et le grand large, en collaborant avec des partenaires en Argentine, en Afrique du Sud, au Brésil, au Canada et aux États-Unis.

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