Des chercheurs et des familles originaires de la province la plus pauvre d’Afrique du Sud travaillent ensemble sur un programme d’éducation parentale reconnu à l’échelle internationale
«Ce que j’ai constaté, c’est que tout le monde, partout, rencontre des difficultés lorsqu'il s'agit d'éduquer des adolescents. Dans tous nos échanges — de Washington DC, en passant par le Soudan du Sud et l’Inde — les personnes nous ont fait part de leur besoin d’un tel programme. Et c’était aussi le cas dans nos sites d’étude ruraux en Afrique», explique la professeure Lucie Cluver, coordinatrice du projet. PACCASA a été en mesure d’utiliser le premier essai randomisé et contrôlé (ERC) d’un programme d’éducation parentale pour adolescents dans n’importe quel pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires. Cet essai pragmatique a permis d'appliquer les interventions à un contexte réel, au lieu de l’environnement contrôlé auquel elles sont généralement appliquées, en outre une approche à faible technologie a été utilisée pour traiter l’évaluation. L'essai en groupes (2015‑2016) incluait 40 zones rurales et urbaines et impliquait 1 104 familles, avec un taux de décrochage de seulement 4 % sur 18 mois. Cette intervention a été étroitement associée à une diminution de la violence et des punitions corporelles. «Nous avons été témoins d’une implication parentale positive améliorée et d’une meilleure supervision. Les taux de consommation de drogues chez les adultes et les enfants ont été réduits, à l’instar du stress et de la dépression chez les parents. Les parents étaient également moins susceptibles d’avoir recours aux punitions corporelles», indique la professeure Cluver. Les chercheurs ont également constaté des améliorations de la gestion financière et du bien‑être économique: les familles avaient tendance à être moins exposées au manque de nourriture à la fin du mois. Mais dans quelle mesure les communautés locales souhaitaient-elles vraiment participer? Lors des phases de test pilotes, l’équipe a découvert que le programme qu’elle concevait était divulgué au sein des communautés. Les familles mettaient en place leurs propres groupes d’apprentissage destinés aux autres personnes de leurs villages, les pasteurs locaux offraient des sessions sous la forme de sermons en se servant des manuels, et les directeurs d’écoles utilisaient ce programme lors de leurs réunions hebdomadaires. «Ce programme n’avait pas pour objectif de modifier les normes, mais plutôt d'aider les familles à développer des compétences partagées qui leur permettent d’établir les relations plus harmonieuses qui répondaient à leurs attentes.» Les chercheurs ont gardé constamment à l’esprit la devise «rien sur nous sans nous» tout au long de leurs travaux, alors qu’ils établissaient leur processus de développement en quatre étapes. L’ensemble du test a été entrepris dans la province la plus pauvre d’Afrique du Sud — le Cap oriental. Les chercheurs ont d’abord parlé avec les adolescents et leurs familles, effectué des examens systématiques et obtenu les avis de 50 experts sur le terrain. Cela a alimenté la première version du programme Parenting for Lifelong Health. Ils ont ensuite affiné leurs travaux en intégrant les avis de 60 participants et, ayant fait cela, ils ont effectué un pré‑test et un post‑test de plus grande dimension avec 240 participants. Enfin, ils ont utilisé une recherche qualitative en profondeur réalisée auprès des familles et des communautés afin de développer la troisième version du programme. «Nous avons utilisé des méthodes d’expérimentation pragmatique — ce qui signifie que ce programme a été mis à exécution tel qu’il le serait dans le monde réel — par les membres d’une communauté locale, dans des salles communales ou sous des arbres, sans qu’aucun participant ne soit exclu. Ce qui implique que nos partenaires gouvernementaux et dans les ONG peuvent avoir confiance dans le fait que ce programme fonctionnera une fois effectivement mis en place en Afrique.» PACCASA a travaillé étroitement avec des partenaires hautement qualifiés basés dans des agences internationales, telles que l’OMS, l’UNICEF et l’USAID — intégrant ainsi leurs perceptions à la conception de son intervention et à ses stratégies de diffusion aux fins d'en améliorer la pertinence, l'adoption et la modularité. «Cette approche de la recherche est innovante puisqu’elle défie les séparations traditionnelles que nous percevons généralement entre la recherche scientifique, la formulation de politiques et les réponses de la communauté locale aux problèmes sociaux.» Le succès de ces collaborations est prouvé par l’intensification massive locale et internationale du programme d’éducation parentale, par l’impact social significatif de cette étude et par la perpétuation des partenariats. Les versions du programme pour enfants et pour adolescents sont désormais disponibles gratuitement sur les sites web de l’OMS et de l’UNICEF. À ce jour, cette étude a donné lieu à 45 publications évaluées par les pairs, ainsi qu’à un référentiel sur la recherche disponible sur le site web de l’UNICEF. Les conclusions ont été publiées dans le British Medical Journal Global Health et le Journal of Development Economics (Cluver et al. 2018, Steinert et al. 2018), et une analyse coût‑efficacité a montré que le total des économies de coût s’élevait à 1 902 euros pour chaque cas de violence (Redfern et al. 2019).
Mots‑clés
PACCASA, prévention de la violence à l’égard des enfants, méthodes d’expérimentation pragmatique, Afrique du Sud, éducation parentale positive, relations plus harmonieuses, familles