Comment la «guerre sauvage» a caractérisé la violence et le contrôle de l’impérialisme occidental
Le concept de «guerre sauvage», en tant que doctrine militaire distincte, est apparu au plus fort de l’expansion coloniale européenne entre la Conférence de Berlin de 1885 et le début de la Première Guerre mondiale. C’était une période où les règles régissant les conflits entre puissances «civilisées» étaient inscrites dans le droit international, mais aucune règle de ce type n’avait été formulée sur la manière dont ces puissances pouvaient engager une action militaire contre des peuples «non civilisés». Au lieu de cela, la pratique militaire coloniale a dicté le recours à la violence extrême et à la force comme «seule chose que les indigènes comprennent», une doctrine qui a perduré jusqu’au XXe siècle. Études de cas américaines et britanniques Comparées aux autres puissances impériales, les campagnes militaires coloniales entreprises par le Royaume-Uni et les États-Unis sont généralement considérées comme ayant été modérées par les connaissances culturelles et la primauté du droit. Des recherches ultérieures indiquent que ce n’est pas tout à fait vrai. «Même aujourd’hui, les tactiques de “guerre sauvage” suivies par les autorités coloniales britanniques et américaines sont regardées et saluées comme des modèles de réussite pour les campagnes anti-insurrectionnelles du XXIe siècle», explique le Dr Kim Wagner, boursier Marie Curie. «Après les attentats du 11 septembre, les troupes britanniques et américaines ont même utilisé un manuel militaire de l’époque coloniale tristement célèbre publié en 1896.» Utilisant la domination coloniale britannique en Inde et la domination américaine aux Philippines comme deux études de cas clés, le Dr Wagner a montré comment la «guerre sauvage» s’étendait et évoluait entre les différentes puissances. «Aux Philippines, les Américains se sont délibérément et clairement inspirés de l’expérience coloniale britannique dans la lutte contre les “fanatiques” musulmans», déclare le Dr Wagner. «L’utilisation de sang de porc par les troupes américaines a été inspirée par les rumeurs d’une pratique britannique similaire à Singapour, faisant elle-même suite à des expériences britanniques à la Frontière du Nord-Ouest (qui fait maintenant partie du Pakistan).» Réinterpréter le massacre d’Amritsar Le Dr Wagner signale un incident particulier dont on célèbrera solennellement le centenaire en 2019: le massacre d’Amritsar en avril 1919, au cours duquel les troupes coloniales britanniques ont ouvert le feu et tué des centaines de civils indiens non armés, un événement connu pour avoir relancé la lutte des Indiens pour leur indépendance. «Cela a été un moment décisif de l’histoire de l’empire britannique, mais il reste mal compris», déclare le Dr Wagner. «Ce massacre n’a pas simplement été une réponse au sentiment de déclin impérial après 1918, mais plutôt la dernière étape d’un processus beaucoup plus long. En examinant les continuités structurelles du massacre d’Amritsar, nous pouvons revoir notre façon de penser la violence coloniale selon les formations impériales. En effet, l’étude se refuse à faire des britanniques des racistes bigots ou à saper la légitimité des émeutiers indiens en les qualifiant de foule assoiffée de sang, et offre plutôt une analyse impartiale.» Bien que les travaux du Dr Wagner sur Amritsar visent spécifiquement à éclairer les débats publics au cours de l’année du centenaire, ils font également partie d’un examen comparatif plus vaste de la crise de l’Empire britannique après la Première Guerre mondiale, qui a provoqué des troubles en Inde, en Irlande et en Égypte entre 1916 et 1922. «À l’approche des centenaires de ces événements, il est essentiel de comprendre l’héritage du colonialisme européen. Mes recherches traitent directement des préoccupations politiques et publiques actuelles concernant les problèmes de la guerre moderne, des appels à réparation et des excuses officielles pour les crimes de l’empire», conclut-il.
Mots‑clés
GUERRE SAUVAGE, impérialisme, colonialisme, héritage, Amritsar, Empire britannique, Inde, Philippines