Une coopération institutionnelle est essentielle à la gestion des catastrophes via l'espace, selon le CCR
Le tsunami asiatique du 26 décembre dernier a donné lieu à une réaction sans précédent des agences de surveillance satellite du monde entier, qui ont souhaité soutenir les efforts de secours et ce faisant, elles ont mis en avant les bienfaits et les limites des technologies spatiales dans le cadre de la gestion des catastrophes. Au cours d'une conférence sur "les forces de la nature" organisée au cours de la Semaine de la terre et de l'espace le 15 février dernier, les représentants de plusieurs agences impliquées dans les opérations de secours consécutives au tsunami ont donné leur point de vue sur les évolutions de pointe et futures de l'observation de la terre au service d'une atténuation des catastrophes. Delilah Al Khudhairy, du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission, a donné un aperçu détaillé du rôle de l'observation de la terre dans la réaction au tsunami, tant immédiatement après l'événement qu'au cours des opérations de reconstruction à long terme. Elle a d'abord souligné l'importance de la "Charte internationale Espace et catastrophes majeures", qui autorise les agences des quatre coins de la planète à coordonner leur action et à partager des données en réponse à ce type d'urgence, ainsi que du partenariat GMES financé par l'Agence spatiale européenne (ESA). Par contre, au cours des premières 36 heures qui ont suivi le désastre, a expliqué Mme Khudhairy, le CCR et d'autres agences internationales ont dû s'appuyer sur les médias du monde entier pour obtenir des informations essentielles comme le nombre de pays affectés ou le type et l'ampleur des dégâts. "Au fil de la diffusion de ces informations, nous avons commencé à programmer les satellites pour tenter de nous concentrer sur les régions touchées et obtenir la résolution la plus élevée possible", a-t-elle déclaré. Il est toutefois vite apparu que la catastrophe provoquée par le tsunami était d'une ampleur sans précédent. En tout, dix pays ont été touchés, ce qui a posé la question de savoir où il fallait pointer les satellites. Pour les tourner vers les zones les plus atteintes, le CCR a d'abord collecté toutes les données librement disponibles qu'il pouvait se procurer, notamment des cartes de densité de population en provenance des États-Unis. Ces informations ont ensuite été recoupées avec toutes les données déjà disponibles sur l'effet des vagues afin de pouvoir se faire une première idée de l'ampleur du désastre et des régions potentiellement les plus touchées. Dans les 72 heures qui ont suivi le tsunami, la longue opération de programmation des satellites destinée à obtenir des images de plus haute résolution des régions frappées par la catastrophe a commencé à porter ses fruits. Le CCR et ses partenaires internationaux ont été en mesure de collecter des données sur la couverture végétale des zones urbaines, le front de mer et les plages, et en les comparant aux images prises avant l'arrivée des vagues, ils ont pu déterminer quelle zone avait été la plus sensiblement altérée - une indication de l'endroit où les pires dégâts seraient constatés. Ces données ont ensuite servi à réaliser des images satellites de meilleure résolution (jusqu'à 62 centimètres) des régions les plus touchées. Étant donné la très haute résolution de ces données et les dépenses énormes requises pour les obtenir, il était vital que les scientifiques sachent exactement où ils devaient collecter les images pour que les équipes d'urgence envoyées sur le terrain puissent en tirer un profit optimal. Même si les mesures de premiers secours sont à présent terminées, ces données d'observation de la terre permettent encore de soutenir le travail de reconstruction à long terme dans les pays touchés. Les données archivées peuvent contribuer à déterminer les infrastructures qui étaient en place et à qui elles appartenaient, et avec les dernières images satellites, les équipes de reconstruction peuvent être orientées vers les infrastructures les plus importantes qui ont été détruites par le tsunami, notamment les ponts et les routes. Comme l'explique Mme Khudhairy: "Si cette expérience nous montre que nous n'avons pas conçu les technologies satellites pour fournir des informations et de l'aide dans le cadre d'une réaction humanitaire efficace, ce dont nous avons clairement besoin, c'est d'améliorer la qualité des données fournies dans les premières heures suivant une catastrophe dans la mesure où il s�agit de la période la plus critique". Une autre conclusion tirée par Mme Khudhairy porte sur l'importance des cadres institutionnels pour le travail de coopération engagé suite à ce type de désastre, notamment la Charte Espace et catastrophes majeures. "Dans un sens, nous avons eu de la chance après ce tsunami parce que nous disposions d'images d�archive de haute résolution de la région avant la catastrophe. Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d�une initiative institutionnelle consistant à collecter des informations similaires sur toutes les zones de crise potentielles qui soient susceptibles d'être exploitées en cas de nouvelle catastrophe", a-t-elle ajouté. Ayant démontré la valeur des technologies d'observation de la terre pour la gestion des catastrophes, d'autres intervenants présents à la conférence ont fait remarquer que les satellites ne sont qu'un élément d'une stratégie d'atténuation efficace des catastrophes. Udo Gärtner, de l'Institut météorologique allemand, a déclaré: "Il convient également de disposer d'une chaîne d'activités claire qui englobe la collecte et l'analyse d'informations, les études d'impact et, c'est vital, une communication efficace. La transmission de l'information au citoyen lambda quand ils en a le plus besoin est une tâche très complexe." Maryam Golnaraghi, responsable du programme de prévention et d'atténuation des catastrophes de l'Organisation météorologique mondiale, a souligné l'impact qu'ont déjà les systèmes efficaces de gestion "de bout en bout" des catastrophes. "Au cours des trente dernières années, le nombre de personnes affectées par des désastres a augmenté, les dégâts économiques occasionnés sont en hausse, mais le nombre de personnes tuées a baissé grâce à des stratégies efficaces de gestion des catastrophes", a-t-elle affirmé. Le Dr Golnaraghi a souligné l'importance de faire en sorte que le renforcement des capacités opérationnelles débouche sur des produits, des services et des décisions de meilleure qualité en cas de réaction à une catastrophe majeure. Le rôle des services nationaux de météorologie et d'hydrologie à cet égard est essentiel, a-t-elle expliqué avant de plaider pour une initiative mondiale visant à améliorer ces services. "Regardez l'exemple d'Haïti, où aucun service national du genre n'existe, et les 3000 vies perdues à la suite d'un simple ouragan", a conclu le Dr Golnaraghi.