Une nouvelle thérapie bispécifique à base d'anticorps contre le cancer colorectal
Traditionnellement, la plupart des médicaments contre le cancer reposent sur des agents bloquant des fonctions essentielles et tuant les cellules qui se divisent, ce qui provoque souvent des effets secondaires nocifs altérant la qualité de vie du patient. Récemment, le développement de médicaments s'est orienté vers des thérapies ciblées présentant une toxicité réduite. Parmi celles-ci, la thérapie à base d'anticorps s'est imposée comme une stratégie bien établie pour traiter les patients présentant différents types de tumeurs. Des anticorps humains modifiés pour se lier spécifiquement à des cibles moléculaires présentes à la surface des cellules cancéreuses sont impossibles à distinguer des anticorps naturels produits par le corps pour combattre les infections virales et bactériennes. Ils conservent la forme en Y des anticorps naturels, et la région variable de liaison à l'antigène de la molécule a été conçue pour se lier à des épitopes spécifiques des molécules de surface des cellules cancéreuses. Les scientifiques du projet SUPPRESSTEM (Testing and validation of bispecific antibody combinations targeting treatment-resistant cancer stem cells using organoid-based screening tools: a new drug discovery paradigm) ont exploité cette technologie afin de produire des anticorps humains pour traiter le cancer colorectal. Le développement de médicaments Les chercheurs du projet SUPPRESSTEM ont basé leur stratégie sur une recherche montrant que la résistance aux thérapies actuelles peut être attribuée à la présence d'une petite sous-population de cellules souches cancéreuses subsistant après le traitement et qui sont responsables de la reprise des tumeurs et de la maladie. Comme cela est expliqué par le consortium, «l'innovation à la base de l'approche de SUPPRESSTEM a été le développement d'agents thérapeutiques ciblant spécifiquement les cellules souches du cancer colorectal, dans le but de fermer d'importantes voies de croissance et de différenciation». Cet objectif a pu être atteint grâce à des anticorps bispécifiques contenant deux sites différents de liaison à l'antigène et ayant la capacité de se lier à deux antigènes ou épitopes différents. Les anticorps thérapeutiques de SUPPRESSTEM étaient constitués d'un bras ciblant l'EGFR et d'un bras ciblant LGR5, une molécule de surface impliquée dans la voie de signalisation Wnt, la voie la plus fréquemment altérée dans le cancer colorectal. L'EGFR est l'un des signaux de survie les mieux décrits pour le cancer, alors que LGR5 a été trouvé à l'origine comme marqueur des cellules souches intestinales et des cellules souches cancéreuses de différents types. En conséquence, la liaison et le blocage de ces signaux oncogènes et prolifératifs devraient contribuer à éliminer les cellules souches du cancer colorectal et montrer un effet antitumoral global. Le criblage de médicaments dans les organoïdes Le taux d'échec élevé que connaît la recherche de médicaments contre le cancer a été lié à la faible capacité prédictive des modèles de criblage de ces médicaments et à l'incapacité de sélectionner les patients qu'il convient de traiter. «Le criblage de notre médicament a porté sur un important groupe de patients et son efficacité a été liée à un profil génétique particulier», fait remarquer le Dr Mark Throsby, coordinateur du projet. Pour atteindre cet objectif, les chercheurs ont développé un test sur organoïde dérivé du patient, en collaboration avec de grands hôpitaux de toute l'Europe. Récemment, la technologie des organoïdes a été reconnue comme un nouveau modèle technologique capable de modéliser les maladies humaines. «La technologie des organoïdes convient à la fois au développement préclinique de médicaments et à des fins cliniques, pour prévoir des traitements personnalisés», explique le Dr Clevers, de l'Institut Hubrecht, inventeur de la technologie des organoïdes. Cette technologie est à l'étude pour déterminer les résultats du traitement de patients dans des essais cliniques, ainsi que pour identifier de nouveaux groupes de patient qui bénéficient de thérapies spécifiques. Le prochain objectif du consortium SUPPRESSTEM est de commercialiser le test sur organoïde dérivé du patient et d'en faire un outil clinique universel. En ce qui concerne les anticorps bispécifiques, il est nécessaire de poursuivre le développement en vue des essais cliniques afin de déterminer de façon concluante leur potentiel antitumoral pour les patients atteints d'un cancer colorectal.
Mots‑clés
Cancer colorectal, thérapie à base d'anticorps, SUPPRESSTEM, EGFR, cellules souches cancéreuses, LGR5, organoïde