Aider les malvoyants à accéder à des informations socialement pertinentes
Plus de 30 millions de personnes malvoyantes ou aveugles vivent en Europe. Les solutions traditionnelles, telles que les lunettes, ne permettent pas toujours de résoudre les problèmes de vue, ce qui a un impact sur la qualité de vie et nuit aux besoins sociaux et professionnels. En outre, si la déficience visuelle est présente dès le jeune âge, elle est susceptible poser des problèmes supplémentaires, par exemple si les enfants ne peuvent pas accéder à des informations pertinentes sur le plan social. «L’incapacité d’un enfant à déchiffrer des indices visuels socialement pertinents peut affecter son développement global et sa qualité de vie», explique Lucia Schiatti, chercheuse expérimentée Marie Skłodowska-Curie au sein de l’Institut italien de technologie (IIT). Monica Gori, coordinatrice de l’unité pour les personnes malvoyantes à l’IIT, ajoute: «Il est important, dans le contexte de la réadaptation visuelle et cognitive, d’identifier une telle lacune au moyen de mesures quantitatives et de permettre une intervention opportune, avant que des modèles de comportement atypiques n’apparaissent.» Dans le cadre du projet TIRESIA, financé par l’UE, Lucia Schiatti et ses collègues de l’unité pour les personnes malvoyantes, dirigée par Monica Gori, en collaboration avec les chercheurs Andrei Barbu et Boris Katz du Massachusetts Institute of Technology, ont travaillé au développement d’un système innovant de réalité augmentée (RA) pour étendre la vision résiduelle chez les enfants. L’équipe a conçu des filtres numériques uniques pour l’améliorer automatiquement et pour fournir des informations sociales et visuelles aux utilisateurs. «L’objectif était d’évaluer si les problèmes sensoriels, tels qu’une faible acuité visuelle et des troubles oculomoteurs, ainsi que les déficiences cognitives, entraînaient des différences dans les schémas d’attention visuelle que nous pouvons détecter grâce à l’oculométrie», indique Lucia Schiatti.
Développement de filtres visuels RA
L’équipe a appuyé sa conception des filtres RA sur l’identification des différences dans les modèles de regard entre les groupes de voyants et de malvoyants, y compris les adultes et les enfants, avec différents types de déficiences visuelles. Après avoir effectué différentes tâches visuelles, les chercheurs se sont appuyés sur des réseaux neuronaux artificiels pour améliorer automatiquement les zones des images sur lesquelles les voyants ont tendance à concentrer leur attention. Ils ont également formé plusieurs modèles d’apprentissage profond pour effectuer ce type de tâches, telles que la reconnaissance des émotions et la classification des interactions sociales. «L’objectif était de concevoir un protocole d’entraînement pour guider l’attention sociale visuelle des enfants qui ont des difficultés à capter les signaux sociaux pertinents», explique Lucia Schiatti.
Un regard plus approfondi sur les conséquences des déficiences visuelles chez les enfants
Grâce à ses recherches, l’équipe a découvert que les déficiences visuelles affectent souvent le mécanisme d’orientation sociale, c’est-à-dire la tendance qu’ont les humains à orienter leur regard (et leur attention) vers des informations socialement pertinentes, telles que les expressions faciales. «Cela suggère que les déficiences visuelles peuvent conduire à une attention et à des comportements sociaux de type autistique», déclare Lucia Schiatti. Les données préliminaires indiquent par ailleurs que la capacité à percevoir les interactions sociales est plus faible chez les jeunes de 7 à 10 ans que chez les enfants plus âgés et les adultes, ce qui laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un âge critique pour le développement des compétences sociales. «Ces deux résultats confirment l’importance de la recherche de TIRESIA et l’importance de développer des outils quantitatifs pour l’évaluation et l’entraînement des compétences sociales dans le contexte de la réadaptation visuelle», note Lucia Schiatti.
Affiner l’approche grâce aux technologies d’oculométrie
Une fois le projet achevé avec succès, l’équipe espère affiner son approche en collaboration avec des cliniciens et des utilisateurs, dans l’objectif de concevoir un protocole de formation pour les enfants affectés par des problèmes visuels. «Il s’agira notamment de concevoir une application et une interface utilisateur spécifiques, potentiellement liées à un ensemble de technologies d’oculométrie existant sur le marché», ajoute Lucia Schiatti. «Une telle approche pourrait être étendue à d’autres cas d’utilisation pour lesquels il est important d’introduire des mesures quantitatives afin d’évaluer et de former les compétences sociales, par exemple dans les cas de troubles neurodéveloppementaux tels que l’autisme.»
Mots‑clés
TIRESIA, déficience visuelle, enfants, réalité augmentée, filtres, autisme, biais, social, information