Contrôle responsable, efficace et écologique des mauvaises herbes
De nombreuses plantes, dont les cultures, disposent de leur propre défense chimique, essentiellement un arsenal destiné à lutter contre les insectes, les agents pathogènes et les espèces voisines. Ces défenses chimiques peuvent être très diverses et sont parfois spécifiques à une seule espèce. «Nous ne comprenons pas comment certaines espèces végétales peuvent tolérer l’attaque chimique qu’elles subissent de la part des mauvaises herbes. Nous avons donc voulu identifier les cibles moléculaires des phytotoxines dérivées des plantes et les composants génétiques qui sont essentiels à la tolérance à ces substances», explique Claude Becker, coordinateur du projet FEAR-SAP, hébergé par l’université Ludwig-Maximilians à Munich. Claude Becker et son équipe ont étudié les benzoxazinoïdes, un type de défense chimique que produisent de nombreuses graminées,dont d’importantes cultures telles que le maïs, le blé et le seigle. «Notre approche était totalement innovante dans ce domaine. Les interactions plante-plante ont été étudiées d’un point de vue biochimique et écologique, mais jamais en appliquant les méthodes de la génomique et de la génétique, et jamais en conjonction avec l’étude du microbiome de la plante à l’extrémité réceptrice de cette interaction», explique-t-il.
Tirer profit des phytotoxines pour protéger les plantes cultivées
Dans le cadre de FEAR-SAP, soutenu par le Conseil européen de la recherche, l’équipe s’est concentrée sur deux questions essentielles: Quel est le mode d’action moléculaire des benzoxazinoïdes, en d’autres termes, comment les benzoxazinoïdes inhibent-ils la croissance des plantes? Et comment les plantes qui produisent ces substances chimiques se protègent-elles de leur propre toxine? Pour trouver des réponses, le projet s’est penché une plante qui est exposée aux benzoxazinoïdes mais ne peut en produire. «Nous avons utilisé la plante modèle génétique Arabidopsis thaliana pour laquelle nous disposons de nombreuses ressources génétiques. Nous avons cultivé des centaines d’accessions naturelles dans différents types de sol ainsi que sur un support supplémenté en benzoxazinoïdes. Nous avons ensuite évalué les différences de leur réponses», ajoute Claude Becker. FEAR-SAP a également étudié les effets des benzoxazinoïdes sur les bactéries associées aux racines, l’une des hypothèses étant que les benzoxazinoïdes pourraient inhiber la croissance des plantes en affectant le microbiome des racines. «Dans les deux cas, nous avons eu recours à des approches de génétique quantitative pour identifier les gènes qui sous-tendent la réponse des plantes ou des micro-organismes.»
Une gamme complète d’analyses de génétique moléculaire, de génomique et de métagénomique
L’interaction est hautement sophistiquée et Claude Becker remarque que les environnements de recherche à complexité réduite limitent notre capacité à pleinement appréhender les interactions. «Nous aurons besoin de nouvelles avancées technologiques et de nouvelles ressources de données pour acquérir une vue d’ensemble», fait-il remarquer. «Les approches à grande échelle qui incluent des données phénotypiques, génomiques, transcriptomiques et génétiques, telles que celles appliquées par le projet FEAR-SAP, nous permettent de démêler certaines parties de cette complexité.» FEAR-SAP a démontré que le génotype de la plante joue un rôle essentiel dans la manière dont celle-ci réagit aux composés libérés par l’une de ses voisines. Qui plus est, ce composé peut être modifié en profondeur sur le court trajet entre la plante donneuse et la plante réceptrice. L’équipe va désormais transposer ses résultats en dehors du système génétique modèle. «Nous avons également généré du blé sans benzoxazinoïdes, que nous propageons actuellement pour des essais en plein champ», précise-t-il. Claude Becker est fier que le projet ait réussi à appliquer les approches génomiques, au sens large, à ce domaine de recherche, et à l’ouvrir ainsi à de nouvelles disciplines. «La question de l’interaction biochimique plante-plante, ou allélopathie, qui a été abordée pendant plus d’un siècle dans un créneau relativement restreint de la biologie, se révélera, nous l’espérons, intéressante pour des chercheurs de disciplines qui n’étaient pas liées auparavant», conclut Claude Becker.
Mots‑clés
FEAR-SAP, contrôle des mauvaises herbes, plantes cultivées, benzoxazinoïdes, génétique moléculaire, génomique, analyses métagénomiques, blé sans benzoxazinoïdes, maïs, seigle