Le rôle des métabolites dans la modification des cellules souches pluripotentes
Nos cellules ont leur identité spécifique, elles savent en quelque sorte ce qu’elles sont, et elles ne l’oublient jamais. Nos neurones ne deviendront jamais des cellules de la peau ou du sang, ils savent d’une certaine manière qu’ils sont des neurones et ne changeront jamais d’identité. Diverses modifications chimiques indiquent aux cellules ce qu’elles ne peuvent pas être, agissant comme des «barrières moléculaires» qu’une cellule ne peut franchir. Ce processus implique une modification répressive de la chromatine, un mélange d’ADN et de protéines qui forme les chromosomes présents dans les cellules humaines et d’autres organismes supérieurs. «Comprendre la manière dont ces modifications sont ajoutées et supprimées est fondamental, car cela nous apprend comment les cellules savent et se souviennent de ce qu’elles sont», explique Graziano Martello, chercheur principal du projet MetEpiStem, qu’il a mené à l’université de Padoue, en Italie. Graziano Martello a concentré ses efforts sur les cellules souches pluripotentes (CSP), qui ont la capacité fascinante de se muer en n’importe quel type de cellule du corps. «Leurs modifications sont peu répressives, ce qui leur permet de devenir ce qu’elles veulent. Il s’agit d’un état cellulaire unique, et il est fondamental et fascinant de comprendre comment il se produit», ajoute Graziano Martello. Le projet, soutenu par le Conseil européen de la recherche, entend déterminer la manière dont le métabolisme est régulé dans les CSP et dans quel mesure cela a de l’importance pour leur biologie.
La relation entre l’alimentation et les modifications épigénétiques
Il est récemment apparu évident que le métabolisme et les modifications épigénétiques pouvaient communiquer entre eux. «La présence de nutriments spécifiques dans l’environnement ou dans notre alimentation peut avoir un impact sur les modifications épigénétiques et, en fin de compte, sur le comportement de la cellule», fait remarquer Graziano Martello. Le projet entend comprendre si des métabolites spécifiques peuvent modifier la chromatine des CSP, leur conférant ainsi un potentiel de différenciation unique. «Ceci est important parce que si nous voulons générer des CSP ou les différencier, nous devons leur fournir les bons nutriments. Que se passerait-il si nous ne parvenions pas à différencier les CSP en bons neurones, par exemple, simplement parce qu’un acide aminé spécifique fait défaut dans leur “régime”?», demande Graziano Martello.
Mesurer l’ensemble des métabolites au sein de la cellule, et leur utilisation
Les chercheurs tels que Graziano Martello disposent de nouveaux outils, qu’ils ont pleinement exploités. La métabolomique, et de la métabolomique des flux, sont devenues plus courantes au cours des dix dernières années. Ces techniques mesurent tous les métabolites au sein de la cellule ou la façon dont celle-ci utilise un métabolite spécifique. «Ainsi, nous avons constaté dans le cadre de notre étude que les CSP utilisent un acide aminé spécifique, la glutamine, pour maintenir les faibles niveaux de modifications épigénétiques que j’ai évoqués», explique Graziano Martello. Le projet a également franchi une étape méthodologique supplémentaire qui fait appel à des techniques informatiques pour simuler le métabolisme de la cellule. Graziano Martello explique: «Nous pouvons soumettre les données métabolomiques à un ordinateur et lui demander quelles sont les réactions chimiques actives dans la cellule. Cela peut en révéler plus sur le métabolisme de la cellule, fournissant aux chercheurs une version virtuelle du métabolisme cellulaire, qui peut être interrogée».
Identifier un métabolite qui affecte le profil épigénétique des CSP
L’équipe de Graziano Martello a identifié un métabolite spécifique dont les niveaux affectent le profil épigénétique des CSP. «Le simple fait d’ajouter ou de retirer ce métabolite du milieu utilisé pour cultiver les CSP génère des changements spectaculaires dans le profil épigénétique des cellules.» Les résultats ont été publiés dans «Nature Genetics». «Observer un effet aussi puissant et disséquer le mécanisme moléculaire qui le contrôle a été extrêmement satisfaisant, et je suis sûr que cela aura des implications pour de futures recherches au-delà du domaine de la CSP», déclare Graziano Martello.
Mots‑clés
MetEpiStem, modification épigénétique, métabolites, CSP, cellules, cellules souches pluripotentes, alimentation