Un actionneur piézoélectrique puissant pour les trains d’atterrissage des avions
Équiper les aéronefs de plus de systèmes électriques permettrait de réduire leur poids, leur consommation de carburant et leurs émissions nocives, au plus grand bénéfice de l’environnement, des compagnies aériennes, qui réduiraient leurs coûts, et des consommateurs. Les dispositifs hydrauliques constituent des candidats de choix pour être remplacés par des composants électriques. «L’électrification de ces systèmes permettrait de réduire la pollution ainsi que le temps et l’argent consacrés à leur maintenance, car ils sont à l’origine de fuites d’huile», explique Alexandre Pages, coordinateur du projet AUDACITY, financé par l’UE. AUDACITY a conçu un démonstrateur d’actionneur piézoélectrique compact adaptable à de futures applications de verrouillage des systèmes de trains d’atterrissage, suffisamment puissant pour soulever 35 kg.
Les actionneurs
Les actionneurs (en termes simples, les moteurs) sont les parties des systèmes mécaniques responsables du mouvement. Les actionneurs hydrauliques fonctionnent en convertissant l’énergie générée par les fluides en énergie mécanique. AUDACITY s’est ainsi intéressé à la conception d’un actionneur électrique capable de gérer le petit mécanisme de verrouillage des avions qui bloque le train d’atterrissage en place une fois qu’il est en position, c’est-à-dire abaissé pour l’atterrissage ou relevé pour le vol. L’exigence technique consistait ici à obtenir un rapport poids/puissance élevé, combiné à un mécanisme à longue course. «Notre défi, implicite dans l’acronyme du projet AUDACITY, consistait à faire en sorte que les actionneurs hydrauliques soient puissants et efficaces, autrement dit déjà aboutis», ajoute Alexandre Pages. La solution conçue par le projet repose sur la technologie des actionneurs piézoélectriques. Dans ce procédé, l’énergie qui alimente les composants mécaniques provient d’une charge électrique générée par une contrainte elle-même mécanique. «Bien que cette approche piézoélectrique ne soit pas nouvelle, un certain nombre de limitations subsistaient, notamment un manque de stabilité thermique, une vitesse limitée, une gestion de l’énergie insuffisante et des interfaces de frottement médiocres», explique Alexandre Pages. «Nous avons combiné des solutions adaptées à chaque problème afin de concevoir un démonstrateur.»
Créer un élan
L’équipe a travaillé avec des experts en tribologie, la science du frottement, et notamment avec Francesco Massi, professeur à l’université de Rome, partenaire du projet. La gestion des frottements inévitables générés par les actionneurs est essentielle à leur fiabilité, en particulier dans les avions, où les exigences de sécurité sont très strictes. La deuxième exigence clé de la conception était de prendre en compte les micro-mouvements (de l’ordre de 10 à 100 microns) susceptibles de provoquer des déséquilibres thermomécaniques, compromettant ainsi la fiabilité du système. Pour ce faire, l’équipe a collaboré avec un autre partenaire, le CSEM, basé en Suisse. Enfin, l’électronique devait fournir l’énergie nécessaire. En vue d’atteindre cet objectif, CEDRAT TECHNOLOGIES, hôte du projet, a fourni une solution s’appuyant sur un amplificateur de commutation, le SA75D, qui a permis d’obtenir un rendement élevé de la conversion piézoélectrique. Elle a également récupéré de l’énergie entre les différentes étapes du moteur piézoélectrique, tout en conservant une conception compacte et une faible consommation. «Les actionneurs piézoélectriques sont généralement peu efficaces par rapport à d’autres solutions conventionnelles. Pour déplacer de grandes charges utiles, il faut une électronique puissante. Je suis convaincu que nous avons conçu le moteur piézoélectrique le plus puissant au monde. Nous avons démontré sa capacité à soulever 35 kilos à 10 millimètres par seconde dans une large gamme de températures, ce qui constitue une avancée considérable», note Alexandre Pages.
Se tourner vers d’autres marchés
Grâce à ses travaux, AUDACITY contribuera directement au concept d’avion plus électrique (More Electric Aircraft, MEA), ainsi qu’à l’initiative européenne Clean Sky, qui visent tous deux à réduire l’impact environnemental de l’industrie aéronautique. Le projet renforcera par ailleurs la compétitivité européenne tout au long des chaînes d’approvisionnement qui élaborent les technologies nécessaires. Bien que testé avec succès en laboratoire pour en valider la conception, l’actionneur piézoélectrique d’AUDACITY reste un prototype initial, qui doit encore être fabriqué et testé dans des environnements opérationnels avant de pouvoir être commercialisé pour les aéronefs. Entre-temps, CEDRAT étudiera à d’autres applications pour cette technologie. «Nous utilisons déjà ces solutions de manière individualisée sur d’autres marchés, tels que le programme énergétique de fusion nucléaire ITER, et nous nous intéressons aux télescopes extrêmement grands avec des optiques très lourdes devant être déplacées avec précision, lenteur et fiabilité», conclut Alexandre Pages. «C’est exactement le cahier des charges qu’AUDACITY a rempli.»
Mots‑clés
AUDACITY, actionneur, piézoélectrique, avion, hydraulique, huile, pollution, Clean Sky