Le premier hydrogel antimicrobien à base de polypeptides pour favoriser la régénération tissulaire
Nos corps sont capables de réparer des blessures légères, pour autant que le dommage ne dépasse pas un seuil critique. Par exemple, les cellules cutanées sont régulièrement renouvelées après de petites coupures ou brûlures, et les foies peuvent même se régénérer. Mais lorsque les tissus se régénèrent, ils sont très sensibles aux infections microbiennes, qui peuvent parfois avoir des conséquences dangereuses. Bien qu’il soit possible d’atténuer ce risque par la prise d’antibiotiques, la résistance aux antimicrobiens (RAM) réduit de plus en plus leur efficacité. Pour surmonter cet obstacle, il est possible de recourir à la régénération tissulaire facilitée par des échafaudages qui offrent un soutien mécanique et une forme pour favoriser le développement de la cellule, en plus de l’environnement nécessaire à sa croissance, qui apporte les nutriments et les niveaux de pH dont elle a besoin. «Les hydrogels produits à partir de polymères naturels comme le collagène et la gélatine sont les matériaux les plus couramment utilisés dans les échafaudages, car ils reproduisent notre matrice extracellulaire naturelle, mais ils ne disposent pas de propriétés antimicrobiennes», explique Andreas Heise, coordinateur du projet GelPrint, entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie. Pour créer des matériaux d’échafaudage antimicrobiens supérieurs, GelPrint a examiné des hydrogels à base de nouveaux polypeptides en forme d’étoile à huit bras comprenant une combinaison d’acides aminés (cystéine, lysine et tyrosine), dans différentes proportions.
Créer une bibliothèque des hydrogels
L’avantage de l’approche de GelPrint est que les polypeptides étoiles peuvent être obtenus en recourant à des processus de polymérisation rapides. L’équipe a découvert que ses polypeptides étoiles constituaient des hydrogels composés d’environ 90 % d’eau, très utile pour la croissance cellulaire. «Nous avons conçu un hydrogel antimicrobien composé uniquement d’acides aminés naturels – un polypeptide. Notre question était donc de savoir comment concevoir chimiquement ces matériaux pour combiner toutes les propriétés souhaitées», ajoute Andreas Heise du Royal College of Surgeons d’Irlande. Les chercheurs de GelPrint aiment travailler avec des polypeptides car ils peuvent facilement être mis à l’échelle jusqu’à plusieurs centaines de grammes, mais pour concevoir un matériau qui combine différentes propriétés, les structures moléculaires sous-jacentes qui les composent initialement doivent être défaites. «Nous avons développé une carte des structures/propriétés afin d’identifier les meilleurs matériaux et apprendre comment d’infimes changements structurels affectent les propriétés de l’hydrogel. Cette approche itérative nous a permis de constituer notre bibliothèque de structures de polypeptides», poursuit Andreas Heise. L’équipe a ensuite testé les propriétés rhéologiques des hydrogels, à savoir la manière dont ils réagissent aux pressions. Les chercheurs ont également réalisé des expériences de cytotoxicité afin de s’assurer que les hydrogels ne libèrent rien de nuisible pour les cellules, ce qu’ils ont confirmé. «À partir de là, nous avons sélectionné des candidats pour les tests antimicrobiens. Les premiers résultats sont très intéressants et montrent que nos sélections ont empêché la croissance de deux souches microbiennes», souligne Andreas Heise.
Répondre à une menace croissante
La RAM est considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme une menace de plus en plus grave pour la santé publique mondiale. Dans l’UE, la RAM est responsable d’environ 33 000 décès par an. En plus des tragédies personnelles, les coûts liés aux soins de santé et les pertes de productivité ont été estimés à 1,5 milliard d’euros par an. «Nos hydrogels pourraient être appliqués comme une crème, un onguent ou un pansement afin de soigner les plaies. En ce qui concerne la régénération tissulaire, ils pourraient être imprimés en 3D pour reproduire la forme exacte requise», conclut Andreas Heise. L’équipe espère également que ses travaux contribueront à identifier de nouveaux agents antimicrobiens contre lesquels les agents pathogènes ne peuvent pas développer de résistance. Pour l’heure, l’équipe s’attelle à mieux comprendre les détails de la réponse des microbes aux hydrogels, avant de passer des microbes de laboratoire aux échantillons cliniques.
Mots‑clés
GelPrint, hydrogel, résistance aux antimicrobiens, polypeptide, régénération tissulaire, infection, acides aminés