Caractériser les facteurs qui déterminent la dynamique de la grippe aviaire
Les virus de la grippe aviaire ne se reproduisent généralement que dans les voies respiratoires supérieures et le tube digestif des oiseaux, en particulier des oiseaux aquatiques sauvages. Cependant, la transmission aux volailles, y compris les poulets, peut engendrer une augmentation drastique de la virulence. L’introduction de nouvelles souches de virus de la grippe animale dans la population humaine peut entraîner une pandémie, comme cela a été le cas en 2009 pour l'épidémie de grippe A (H1N1), connue sous le nom de grippe porcine. La dynamique de la grippe aviaire est mal comprise, ce qui entrave le développement de stratégies efficaces de prévention et de contrôle des virus de la grippe aviaire hautement pathogène (GAHP). Le projet DELTA-FLU, financé par l’UE, vise à combler cette lacune critique grâce à des outils de haute technologie et à une combinaison d’observations, d’études animales et de systèmes modèles.
Transmission du virus de la grippe aviaire
Les virus de la grippe sont divisés en sous-types en fonction de leurs protéines de surface hémagglutinine (H) et neuraminidase (N). DELTA-FLU s’est concentré sur des virus GAHP particuliers, la lignée H5 originaire d’Asie, qui se propage depuis plus de 20 ans et se maintient dans le réservoir d’oiseaux sauvages comme le premier virus GAHP après avoir muté à partir d’un virus de la grippe aviaire faiblement pathogène (GAFP). «En Europe, les virus GAHP H5N8 et H5N1 sont les principaux sous-types qui ont provoqué de graves épizooties (semblables à des épidémies chez l’homme). Ils sont également responsables d’une panzootie (comparable à une pandémie) qui touche actuellement l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord», explique Thomas C. Mettenleiter, président du Friedrich Loeffler Institut - Institut fédéral de recherche en santé animale et coordinateur de DELTA-FLU. La transmission de l’oiseau sauvage à l’homme nécessite certaines adaptations, et les porcs sont des facilitateurs clés. Les porcs présentent des récepteurs de type aviaire et de type humain dans les voies respiratoires, ce qui permet aux deux types de virus de se répliquer et de s’adapter. De plus, «les porcs peuvent servir de “récipient de mélange”, permettant aux virus de la grippe aviaire et aux virus adaptés à l’homme de se répliquer de manière concomitante. Cela peut donner lieu à de nouveaux réassortants, c’est-à-dire des virus hybrides contenant du matériel génétique des deux virus, ce qui rend les études sur la réplication des virus GAFP/GAHP chez les porcs très importantes», déclare Thomas C. Mettenleiter.
Profilage des virus GAHP H5Nx
L’ambitieux projet quinquennal DELTA-FLU est axé sur les virus H5Nx hautement pathogènes actuellement en circulation (en particulier H5N8 et H5N1). Parmi les faits marquants, les scientifiques ont désormais une bien meilleure compréhension des voies de migration des oiseaux aquatiques sauvages grâce au suivi par satellite des émetteurs. Ils ont caractérisé les virus GAHP H5N8 et GAHP H5N1 et ont constaté que, si ces virus GAHP présentent une virulence élevée pour certains oiseaux sauvages, ils ont un faible potentiel zoonotique (pour passer à l’homme). DELTA-FLU a détecté de manière inattendue que l’incursion des virus GAHP H5N8 et GAHP H5N1 en Europe était une incursion en essaim (avec un nombre élevé de virus réassortants). Grâce à l’épidémiologie génomique, l’équipe a pu élucider le parcours du virus GAHP H5N1 depuis son introduction en Europe jusqu’en Amérique du Nord via l’Islande. «Plus de 15 génotypes du virus GAHP H5N1 ont été décrits, la composition génétique ayant été caractérisée à l’aide de méthodes de séquençage de nouvelle génération et de la phylogénétique. Étonnamment, nous avons constaté que des mammifères tels que les renards étaient contaminés par les nouvelles souches du virus GAHP H5N1. DELTA-FLU a également élucidé l’émergence des virus GAHP à partir des virus GAFP et l’a étudiée à l’aide de la transcriptomique», explique Thomas C. Mettenleiter. DELTA-FLU a comblé d’importantes lacunes dans notre compréhension de la dynamique de la grippe aviaire, notamment en ce qui concerne les souches H5Nx hautement réassorties responsables des épidémies mondiales actuelles. Ces connaissances ouvrent la voie à l’élaboration de stratégies de prévention et de contrôle efficaces.
Mots‑clés
DELTA-FLU, GAHP, grippe aviaire, H5N1, H5N8, H5Nx, réassortant, grippe aviaire hautement pathogène, incursion en essaim
