Faire la lumière sur les éponges de la «zone crépusculaire» et leurs cohabitants microbiens
Les organismes vivants constituent une source riche en produits naturels utiles aux humains. Les produits pharmaceutiques, les nutraceutiques et les produits de soins de la peau font partie de ces nombreux produits dont les molécules biologiques permettent d’accroître et d’améliorer les fonctionnalités naturelles. Avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA) et des approches génomiques de haute technologie, le projet COSMos a fourni un ensemble de données sans précédent révélant le potentiel en produits naturels des éponges mésophotiques et des microbes qui y vivent.
Une plongée profonde dans la zone mésophotique inexplorée
Selon Michelle Schorn, titulaire d’une bourse individuelle MSCA dans le laboratoire de Detmer Sipkema à l’université de Wageningen, «les éponges sont réputées pour leur incroyable diversité chimique et la richesse de leurs microbiomes (microbes qui vivent dans les éponges), qui fournissent constamment les produits naturels les plus novateurs de tous les invertébrés marins». Les éponges sont principalement recueillies par les plongeurs dans des eaux peu profondes. La zone mésophotique, littéralement la «zone de mi-lumière», de 30 à 150 m sous la surface de l’eau, est difficile d’accès et en grande partie inexplorée. Une invitation fortuite d’Adriaan Schrier de Substation Curaçao à se joindre à une expédition d’échantillonnage pour étudier la zone mésophotique a permis de récolter environ 60 précieux échantillons d’éponges mésophotiques.
Génomes assemblés par métagénome et clusters de gènes biosynthétiques
Michelle Schorn a procédé au séquençage métagénomique, une méthode d’analyse génomique hors culture qui permet d’analyser les génomes combinés des organismes coexistant dans une communauté en construisant des génomes assemblés par métagénome (MAG). Elle a fait appel au séquençage métagénomique pour concentrer sa «lentille» sur les clusters de gènes biosynthétiques — des groupes de gènes physiquement regroupés qui codent les enzymes et collaborent pour fabriquer des molécules ou des structures chimiques — qui sont à l’origine de la plupart des produits naturels. «Moins de 1 % de nos clusters de gènes biosynthétiques correspondaient à ceux connus, ce qui souligne la nouveauté de notre ensemble de données», précise Michelle Schorn. Detmer Sipkema ajoute: «Nous avons été frappés par le fait que presque toutes les espèces d’éponges vivant à 150 m sont différentes de celles que nous voyons dans les eaux peu profondes au-dessus.» COSMos a analysé les métagénomes de cinq éponges mésophotiques, leurs symbiotes microbiens et leur potentiel de biosynthèse de produits naturels. Treize autres éponges ont été séquencées depuis la fin du projet. À partir des cinq métagénomes initiaux, 435 MAG ont été assemblés, ce qui représente 435 génomes provenant de microbes non cultivés. COSMos a ainsi apporté à la communauté scientifique un aperçu sans précédent des capacités génomiques des symbiotes des éponges mésophotiques. Outre les données génomiques, qui seront rendues publiques, des milliers de clusters de gènes biosynthétiques ont été identifiés.
Des génomes à la production de molécules: l’expression hétérologue
«Pour la première fois, nous avons pu examiner les communautés microbiennes de ces éponges mésophotiques peu étudiées et découvrir de nouveaux types de clusters de gènes biosynthétiques. En reliant les gènes à leurs produits moléculaires, nous commençons à déchiffrer le langage chimique des habitants des éponges», ajoute Michelle Schorn. Celle-ci se concentre maintenant sur l’expression hétérologue des clusters biosynthétiques connus et nouvellement identifiés. L’expression hétérologue à partir de bactéries non cultivées a rarement été accomplie avec succès. Elle permettrait de ne plus avoir à récolter d’énormes quantités d’animaux et de mener une production durable à grande échelle. «Si nous découvrons également une molécule susceptible d’avoir des applications thérapeutiques, cela soulignera la nécessité de préserver les zones peu étudiées de l’océan comme la zone mésophotique», ajoute Michelle Schorn. Michelle Schorn et Detmer Sipkema repoussent les frontières de la recherche et des applications des produits naturels marins en révélant les capacités génomiques que recèlent les énigmatiques éponges mésophotiques.
Mots‑clés
COSMos, éponge, mésophotique, clusters de gènes biosynthétiques, métagénome, expression hétérologue, MAG, génomes assemblés par métagénome, microbiome