Un logiciel suit les cochons joueurs pour améliorer le bien-être animal
Les zoologistes, les spécialistes du secteur et les organismes de défense des droits des animaux conviennent tous qu’il y a lieu d’améliorer le bien-être des animaux d’élevage. Face à cet appel, les producteurs alimentaires recourent de plus en plus aux technologies d’agriculture de précision, car les capteurs, les caméras et les microphones, couplés à des algorithmes de traitement des données, permettent de contrôler non seulement la productivité, mais aussi le bien-être animal. Le projet AutoPlayPig (Automatic detection of play behaviour in young pigs as a measure of positive affective states), soutenu par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA), s’est intéressé à l’application de ces technologies dans l’industrie de la production porcine. «Afin d’obtenir un tableau complet du bien-être animal, il y a lieu de tenir compte de différents indicateurs de santé et de bien-être. Nous nous sommes penchés sur le comportement de jeu en tant qu’un indicateur de bien-être positif», explique Tomas Norton, coordinateur du projet AutoPlayPig. Après avoir utilisé des observations humaines pour établir des données de référence, l’équipe a commencé à mettre au point un algorithme capable d’identifier automatiquement le comportement de jeu. «Nous pensons qu’AutoPlayPig est le premier projet de ce genre et, à ce titre, nous faisons figure de pionniers dans un domaine naissant», ajoute Mona Larsen, titulaire d’une bourse MSCA.
Éthologie computationnelle
Il est souvent plus facile de surveiller la santé physique des animaux que de contrôler un concept aussi abstrait que le «bien-être». Les indicateurs, comme le niveau de forme physique ou la présence d’une infection, sont plus faciles à surveiller et à mesurer. Les «états affectifs», qui rassemblent les émotions, les humeurs et les sentiments, ne peuvent être mesurés directement et sont dès lors généralement déduits par le biais de moyens indirects. Le comportement de jeu est un bon indicateur de bien-être chez les porcelets, car il semble gratifiant et intervient généralement dans un climat exempt de menaces, comme la maladie. Qui plus est, il peut être mesuré de manière non invasive, contrairement à d’autres indicateurs de santé, comme la température corporelle, qui nécessitent le recours à des capteurs attachés sur l’animal. Toutefois, en raison de la nature sporadique, spontanée et éphémère du jeu chez les cochons, il est difficile pour les chercheurs d’observer ce phénomène directement. «Étant donné que l’observation à long terme des animaux peut s’avérer subjective, varier énormément d’un observateur à l’autre et être limitée par les sens humains, notre équipe a décidé de mettre au point des outils d’éthologie informatique», ajoute Tomas Norton. L’éthologie informatique combine informatique et étude du comportement animal, ce qui permet un suivi automatisé, continu et cohérent. «Les comportements de jeu sont souvent des versions immatures des comportements que l’on observe chez les adultes; ils peuvent ainsi se confondre avec d’autres comportements. C’est à ce niveau que s’illustrent les ordinateurs et les algorithmes: ils sont capables de dégager des tendances dans les données, qui passent inaperçues aux yeux de l’homme», explique Mona Larsen. L’équipe a tout d’abord créé un éthogramme, une liste codifiée d’indicateurs fondée sur les comportements observés. Ces indicateurs ont ensuite été utilisés dans le cadre du développement de l’algorithme en associant le comportement des cochons induit expérimentalement aux classifications de l’éthogramme. L’algorithme peut analyser les clips vidéo produits sur la base de l’enregistrement du jeu locomoteur des cochons par les caméras pour vérifier si les comportements correspondent à ceux répertoriés dans l’ensemble des données. «L’algorithme montre des résultats prometteurs à l’heure d’isoler les images vidéo liées au jeu locomoteur, et est aussi capable de séparer les mouvements rapides des mouvements lents», fait remarquer Mona Larsen.
De meilleurs outils d’aide à la décision
Les efforts de l’Union européenne visant à améliorer le bien-être des animaux d’élevage se sont intensifiés récemment. De nouveaux centres de référence pour le bien-être animal, dans un premier temps consacrés aux cochons, ont été mis en place, et les normes en matière de bien-être font l’objet d’un réexamen dans le cadre de la nouvelle stratégie «de la ferme à la table» du pacte vert pour l’Europe. L’équipe se penche désormais sur des techniques d’analyse plus sophistiquées, comme l’apprentissage profond, afin d’identifier le jeu et d’autres comportements sociaux. Cette démarche favorise l’adoption de cette technologie par les agriculteurs tout en limitant les ressources informatiques nécessaires à leur strict minimum. L’algorithme ayant été élaboré sur la base de porcelets logés dans des enclos immédiatement après leur sevrage, les algorithmes futurs s’appliqueront à des cochons d’âges et issus d’environnements différents. «Ces algorithmes peuvent être développés en outils d’aide à la prise de décision pour gérer le bien-être animal. Cela dit, malgré l’intérêt croissant suscité, nous devons collaborer avec l’industrie, les agriculteurs et les consommateurs afin de définir des modèles commerciaux pour ces nouveaux outils», déclare Tomas Norton.
Mots‑clés
AutoPlayPig, cochon, jeu, algorithme, bien-être animal, bien-être, santé, éthologie computationnelle, comportement