Comment le blé peut développer une immunité contre les bactéries pathogènes
Les maladies bactériennes affectant les cultures européennes touchent principalement les arbres fruitiers et les légumes, réduisant les rendements et raccourcissant la durée de conservation des produits. La plus grave est peut-être Xylella fastidiosa, capable de détruire les oliveraies. Ces maladies sont le plus souvent contrôlées en pulvérisant sur les cultures diverses solutions, telles que les sels de cuivre et de zinc, souvent inefficaces et peu sûres pour l’environnement. On tente parfois également de renforcer la résistance des plantes aux maladies, mais le principe n’est pas durable, les souches bactériennes surmontant généralement cette résistance. La plupart des bactéries pathogènes utilisent le système de sécrétion de type III (T3SS), où des sortes de sondes en forme d’aiguille injectent des protéines dans les cellules végétales pour les rendre plus vulnérables aux bactéries. Pour mieux comprendre ce processus, le projet T-REX, soutenu par l’UE, a étudié l’interaction du cultivar de blé avec le T3SS; comme il fait partie intégrante de l’infection bactérienne, sa reconnaissance par le blé devrait conférer une immunité durable. T-REX a utilisé le T3SS de Pseudomonas syringae, une bactérie à l’origine des maladies sur les feuilles et d’autres organes, pour injecter des protéines d’autres agents pathogènes dans le blé. L’équipe a ainsi découvert que certains cultivars de blé peuvent reconnaître le T3SS. «Lorsque nous avons comparé la croissance de P. syringae dans du blé reconnaissant T3SS et du blé ne le reconnaissant pas, nous avons trouvé des indications que la reconnaissance retardait la croissance bactérienne d’environ un jour», explique le coordinateur du projet, Hans Thordal-Christensen, de l’Université de Copenhague, hôte du projet. «C’était très excitant car la reconnaissance du T3SS n’était auparavant connue que pour les animaux.» Cette recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie.
Enquêter sur l’association génétique
Les membres de T-REX ont injecté une bactérie du sol non pathogène, exprimant artificiellement le T3SS, dans les feuilles de cultivars de blé et a observé le résultat. Ils ont découvert que chez certains cultivars, le tissu foliaire meurt dans les 24 heures en signe d’immunité, tandis que chez d’autres, rien ne se passe. Cela laisse penser que certains cultivars peuvent reconnaître le T3SS. En utilisant la même méthodologie pour identifier le gène responsable de la reconnaissance du T3SS, l’équipe a testé 440 cultivars du collection WAGTAIL, découvrant qu’un tiers d’entre eux reconnaît le T3SS. Forte de l’analyse d’environ 20 000 différences génétiques dans ces cultivars, l’équipe a pu localiser le gène responsable de la reconnaissance du T3SS sur les chromosomes. «Nous avons découvert que cette capacité semble être médiée par un unique gène mappé sur un segment chromosomique d’environ 10 gènes. Il nous reste à déterminer quel est ce gène spécifique», remarque Hans Thordal-Christensen. L’équipe a également voulu localiser la partie du T3SS reconnue par le blé. Le T3SS étant constitué de 28 protéines bactériennes différentes, pour trouver la protéine révélatrice il faut les produire et les injecter une par une. «Nous avons produit et purifié bon nombre des 28 protéines T3SS d’Escherichia coli, puis testé si elles provoquent la mort des tissus foliaires. Malheureusement, nous n’avons pas encore trouvé la protéine clé, nous allons donc continuer à chercher», ajoute-t-il.
Élargir le champ d’application
En augmentant les connaissances sur la science des plantes en général et sur l’immunité des plantes en particulier, T-REX contribue à ouvrir la voie à une agriculture plus économe en ressources et plus respectueuse de l’environnement. «Nous pouvons conseiller aux sélectionneurs de blé d’utiliser le segment chromosomique à 10 gènes dans les cultivars pour améliorer la résistance à la bactérie Pseudomonas et fournir des marqueurs génétiques pour confirmer qu’ils ont obtenu le bon segment», explique Hans Thordal-Christensen. «Une fois que nous aurons identifié le gène spécifique responsable, nous espérons également améliorer la résistance aux bactéries chez d’autres espèces végétales.» Un autre axe de recherche consiste à comprendre comment les effecteurs pathogènes manipulent le système immunitaire des plantes. L’équipe utilise le T3SS bactérien pour introduire des protéines effectrices dans les cellules végétales, puis expérimente pour rendre les cibles effectrices végétales insensibles à celles-ci afin de renforcer l’immunité.
Mots‑clés
T-REX, immunité, pathogène, bactérie, Pseudomonas syringae, cultivar, blé, gène, chromosome, maladie, système de sécrétion de type III, T3SS