Vers une automatisation de tout le cycle pour des supermarchés plus ordonnés
Nous avons tous arpenté, au moins occasionnellement, les allées des supermarchés aux heures de pointe (ou au tout début du confinement) et trouvé des étals en désordre et vides du précieux article que nous recherchions. Dans de tels scénarios, mettre en place des assistants semble un objectif facile. Trop facile peut-être, car même les assistants les plus organisés auront du mal à s’assurer que tous les rayons du supermarché sont en permanence bien rangés et achalandés. Pour les détaillants, le tri des marchandises n’a jamais été aussi coûteux et chronophage. Mais ce n’est pas comme s’ils avaient le choix: l’expérience sensorielle est précisément ce qui permet aux magasins physiques de se différencier de leurs concurrents en ligne. Pour les aider, REFILLS (Robotics Enabling Fully-Integrated Logistics Lines for Supermarkets) propose des solutions d’automatisation qui aideront à trier les articles, à suivre ceux qui manquent dans les étals, à les récupérer dans l’espace de stockage et même à remplir les rayonnages vides. Bruno Siciliano, coordinateur de REFILLS au nom du consortium CREATE et de l’université de Naples Federico II, nous en dit plus sur les technologies du projet et sur leurs avantages pour les détaillants et le personnel des supermarchés.
Quels sont selon vous les principaux problèmes logistiques que rencontrent actuellement les supermarchés?
Bruno Siciliano: Le principal problème de logistique en magasin découle du fait que tous les produits doivent être disponibles en permanence pour le client et que, parallèlement, les stocks doivent être maintenus au plus bas avec des processus de flux tendus allégés. Recevoir une grande variété de produits différents chaque jour et les réapprovisionner efficacement pour remplir les étals est une procédure complexe et coûteuse. En outre, définir les emplacements adéquats dans les rayons, déplacer les produits au sein du magasin et enfin disposer d’un processus rapide et ergonomique de réapprovisionnement des étals prend beaucoup de temps.
Comment comptez-vous surmonter ces problèmes?
Premièrement, en réduisant le temps et le coût requis pour identifier les emplacements des produits dans un magasin. Nous le faisons en numérisant l’agencement des lieux et en pré-triant de manière autonome les marchandises dans l’arrière-boutique en fonction de cette disposition. Deuxièmement, en transportant et en distribuant de manière autonome les produits pré-triés au bon endroit dans le magasin. Troisièmement, en aidant les commis lors de la manipulation de boîtes lourdes pour le remplissage des rayons. Nous avons également tenté de résoudre ce problème en utilisant des robots pour remplir les étals, mais cela constituait surtout un défi pour la recherche.
Vous avez choisi trois scénarios pour votre projet. Pourquoi cette approche?
Nous avons examiné tous les processus logistiques conventionnels en magasin et identifié les tâches reproductibles. Celles-ci incluent le tri et l’identification des produits, la logistique en magasin et les applications de type «pick-and-place». Dans le premier scénario, des robots mobiles inspectent les rayons et génèrent des cartes d’environnement sémantique pour identifier la disposition du magasin et réaliser un suivi. Le second scénario utilise des robots pour trois tâches: le tri autonome des caisses à partir de palettes mixtes dans l’arrière-boutique; le transport autonome de chariots de l’arrière-boutique vers le magasin; et l’assistance fournie aux commis. Dans le troisième et dernier scénario, nous avons tenté de gérer une grande variété de produits et de remplir les rayons de manière autonome.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les systèmes robotiques que vous avez développés?
Nous avons développé du matériel spécifique en utilisant une approche modulaire. Une unité de numérisation identifie les produits dans les étals, enregistre leur position et la façon dont ils sont présentés. À partir de là, une unité de pointeur dotée d’un faisceau lumineux aide les commis à trouver le bon endroit pour le réapprovisionnement. Pour permettre une automatisation plus poussée, nous avons modifié et réutilisé un bras robotique avec une portée étendue et une géométrie spécialisée. Cela permet à un robot SCARA de pousser des objets d’un chariot vers le fond d’un rayon sans entrer en collision avec les autres objets stockés. Le dernier système robotique a été développé pour transporter des chariots remplis de produits près des rayons, ainsi que pour déplacer les systèmes robotiques mentionnés dans le magasin. Notre système de logiciel logistique et de gestion de magasin, intégré dans les robots, les transporteurs et les unités de numérisation, joue également un rôle important. Il permet communiquer avec les employés via des smartphones ou des tablettes. Il peut également fournir aux clients des informations utiles sur les produits en magasin.
Y a-t-il une innovation qui se démarque particulièrement pour vous?
Dans notre premier scénario, l’identification de la disposition et le suivi des rayons étaient destinés à constituer la base de données pour tous les modules robotiques de REFILLS. Mais ils se sont également avérés être une source de données très précieuse pour d’autres processus propres aux magasins de détail. Dans le deuxième scénario, nous avons développé une cellule de dépalettisation spéciale dans laquelle un robot équipé d’une pince reconfigurable dotée de capteurs peut prélever des boîtes de différentes tailles et dimensions sur une palette de caisses mixtes. Ce système pourrait avoir un grand potentiel également dans les entrepôts. Enfin, le troisième scénario nous a permis de tester et d’améliorer les capacités des robots à manipuler une grande variété de produits de manière autonome dans des environnements différents, y compris les magasins de détail, en utilisant la vision et la détection tactile.
Comment voyez-vous l’avenir des boutiques «physiques» étant donnée la part de marché du e-commerce qui ne cesse de croître?
Choisir des produits dans les magasins physiques est avant tout une expérience sensorielle pour le client, et cela restera le facteur de différenciation avec les boutiques en ligne. Cela étant dit, les magasins de détail augmentent les coûts liés à la logistique et au personnel de service. C’est là que l’automatisation peut faire une réelle différence. Certains magasins de détail ont déjà introduit des bornes de paiement en libre-service et même une facturation automatisée avec des puces sur les produits pour le passage en caisse libre-service. L’automatisation peut permettre non seulement de réduire le coût logistique, mais peut aussi offrir aux magasins de vente au détail, grâce à des solutions de systèmes robotiques, l’opportunité de fonctionner également comme des plateformes pour les services en ligne et de livraison.
Quels sont vos plans pour la suite, si vous en avez?
DM et l’Université de Brême, entre autres, ont lancé un projet connexe qui repose intégralement sur des plans de magasin sémantiques similaires à ceux générés dans le premier scénario de REFILLS. Le projet s’appelle Knowledge4Retail (K4R). Il fait partie de la «stratégie d’IA» de l’Allemagne et est financé par le ministère fédéral des Affaires économiques et de l’énergie. K4R vise à établir une nouvelle génération de systèmes d’information pour les détaillants et leurs chaînes d’approvisionnement, réunis au sein d’une plateforme et d’un écosystème d’innovation numérique. À plus long terme, je pense que REFILLS nous a donné une belle occasion de valider les technologies robotiques dans des applications logistiques où les robots travaillent à proximité des humains. Cette expérience et les connaissances que nous avons rassemblées seront utiles dans des domaines qui connaissent des problèmes similaires, comme les hôpitaux ou les usines intelligentes.
Mots‑clés
REFILLS, supermarchés, automatisation, robots, logistique