Les «interrupteurs» cellulaires détiendraient les clés de la lutte contre les pandémies virales
«Si nous pouvons en apprendre davantage sur ce processus ayant évolué naturellement, nous pourrions en tirer parti pour fournir une protection contre les virus», explique Benjamin Hale, un professeur à l’Institut de Virologie Médicale de l’Université de Zurich, en Suisse, qui a reçu une subvention de la part du Conseil européen de la recherche (CER) pour son projet SUMOFLU (Interplay between influenza viruses and host SUMO pathways). «Sommes-nous par exemple en mesure de concevoir de nouvelles méthodes pour stimuler cette forme d’immunité, et ainsi améliorer les réponses immunitaires et les défenses moléculaires contre l’infection? Cela constituerait un moyen d’aider les défenses naturelles de notre corps.»
Le défi viral
Les virus saisonniers de la grippe peuvent provoquer une maladie respiratoire chez l’être humain, avec des symptômes tels que la fièvre, une toux sèche, des maux de tête et des douleurs musculaires. La maladie est généralement bénigne et disparaît d’elle-même, mais peut parfois s’avérer plus sévère et entraîner la mort, notamment chez les groupes les plus à risque. Selon les chiffres de l’OMS, chaque année, les épidémies de grippe saisonnière entraînent entre 3 et 5 millions de cas graves dans le monde. «Il existe des vaccins très efficaces contre les virus de la grippe saisonnière, mais ils doivent être mis à jour régulièrement en raison des légères modifications du virus», indique Benjamin Hale. «Ces modifications s’accumulent au fur et à mesure du temps et diminuent l’efficacité de nos vaccins. Nous sommes également préoccupés par l’apparition de nouvelles souches de pandémies pour lesquelles nous ne disposons d’aucun vaccin et d’aucune immunité préexistante, de la même manière que pour SARS-CoV-2 (le virus responsable de la COVID-19). Les antiviraux représentent ainsi une première ligne de défense essentielle. Notre défi est le suivant: comment pouvons-nous limiter les chances que le virus mute pour devenir résistant aux antiviraux?
Stimuler des immunoréactions
Le projet SUMOFLU compte relever ce défi en développant de nouveaux antiviraux qui ne ciblent pas directement le virus, mais plutôt une partie de la cellule hôte infectée par le virus. «En ciblant la cellule hôte, nous pensons que le virus sera moins susceptible de devenir résistant», explique Benjamin Hale. «L’autre avantage de nouveaux antiviraux qui ciblent la cellule hôte plutôt que le virus est qu’ils auront une meilleure chance de se révéler efficaces contre d’autres virus (ce que l’on appelle “antiviraux à large spectre”), notamment les nouveaux virus émergents tels que SARS-CoV-2.» Le projet s’est plus spécifiquement focalisé sur une protéine hôte appelée «SUMO», qui agit en tant qu’interrupteur de régulation essentiel pour altérer les fonctions d’autres protéines au sein de la cellule. «Nous avons découvert que des centaines de protéines cellulaires sont réaffectées par SUMO lors d’une infection au virus de la grippe», note Benjamin Hale. «La plupart de ces protéines cellulaires n’avaient jamais été impliquées dans le champ de la biologie virale auparavant. Certaines s’avèrent très importantes pour que le virus puisse se répliquer efficacement, et à l’avenir, nous comptons déterminer si des inhibiteurs de ces protéines cellulaires pourraient représenter des médicaments candidats adaptés.» L’une des découvertes les plus intéressantes du projet a été un interrupteur SUMO, appelé «TRIM28», situé dans une protéine hôte. Cet interrupteur semble aider à stimuler une réponse immunitaire pendant l’infection, permettant à la cellule de mobiliser des défenses pour se protéger contre la réplication virale. «Cette découverte inattendue a démontré l’importance de certains interrupteurs SUMO en ce qui concerne l’immunité contre les virus», ajoute-t-il. Suite à cette découverte capitale, Benjamin Hale compte mieux comprendre les mécanismes moléculaires précis nécessaires à l’activation de ces interrupteurs SUMO particuliers. Cela fournira des indications aux chercheurs concernant les types de composés chimiques, ou les potentiels médicaments, qui pourraient remplir la même fonction une fois développés. «Nous devrons également comprendre d’autres conséquences de l’activation de ces interrupteurs SUMO, et déterminer les éventuels effets secondaires encore inconnus: le but n’est pas de provoquer d’autres effets indésirables en manipulant ces systèmes cellulaires», conclut-il.
Mots‑clés
SUMOFLU, grippe, viral, pandémie, cellule, cellulaire, COVID-19, infection, immunité, antiviral, SUMO