Le traitement cérébral des attentes et des informations sensorielles: perception ou illusion?
Le cerveau humain possède la capacité étonnante d’intégrer des connaissances préalables à des signaux sensoriels pour stimuler notre expérience subjective. Cela nous permet de comprendre rapidement les informations que nous recevons et de nous y adapter en conséquence; l’absence de ce phénomène peut donc entraîner des illusions perceptuelles. Ainsi, comment notre cerveau combine-t-il les attentes et les informations sensorielles pendant la communication humaine? Au fil des années, les scientifiques ont proposé plusieurs mécanismes neuronaux. Selon la théorie du codage prédictif, le cerveau traite les signaux sensoriels et les associe à des expériences préalables pour stimuler les calculs neuronaux. Toutefois, les mécanismes précis selon lesquels les circuits neuronaux exploitent les expériences préalables restent insaisissables.
Décoder les réponses cérébrales dans le cadre de la reconnaissance faciale ou vocale
Entrepris avec le soutien du programme Marie Skłodowska-Curie, le projet EXPECTBRAIN combine différentes méthodologies de pointe pour analyser les schémas d’activité cérébrale et décoder les réponses cérébrales à la reconnaissance faciale et vocale. «L’objectif était de spécifier les mécanismes neuronaux impliqués dans la perception et la perception erronée», déclare Helen Blank, titulaire d’une bourse Marie Skłodowska-Curie. Les travaux se sont concentrés sur le rôle des attentes préalables dans le cadre de la reconnaissance faciale et vocale. Lors d’une étude, des participants humains ont été formés à l’association d’images de scènes et de visages. À l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), les chercheurs ont mesuré les réponses cérébrales pendant le test, après la phase d’apprentissage, alors que l’on montrait aux individus des scènes ou des visages concrets. Les résultats ont démontré que le cerveau humain représente des attentes préalables liées aux visages dans des régions du cerveau sensibles aux visages de manière directement proportionnelle à la certitude de cette même attente. Dans une autre étude, une approche similaire a été adoptée pour manipuler les attentes préalables en présentant aux participants des mots écrits face à des mots parlés altérés. En lisant le mot, les participants ont formulé une expérience à laquelle ils pouvaient comparer le mot parlé à venir. Mme Blank détaille: «Entendre le mot correct permettait aux participants de percevoir facilement le mot parlé, même lorsque ce dernier était altéré; les mots écrits peuvent également influencer la perception d’un mot parlé altéré, notamment lorsqu’il y a un chevauchement partiel entre le mot écrit et le mot parlé». Ensuite, les données comportementales et cérébrales de l’IRMf ont été informatisées sous forme de modèles en vue de tester des hypothèses théoriques alternatives. En matière de perception du langage, le cerveau semble utiliser les erreurs de prédiction pour déterminer si le signal sensoriel correspond ou pas aux attentes préalables. Si l’erreur est faible, il confirme alors l’attente préalable; si l’erreur est forte, alors cette attente est rejetée.
Portée du projet
La reconnaissance vocale et faciale constitue un contexte idéal pour étudier la manière dont les attentes influencent la perception, car chaque région du cerveau humain sensible au langage ou aux visages est bien décrite. En outre, aussi bien les stimuli vocaux que faciaux peuvent être facilement manipulés de façon contrôlée. Comprendre la manière dont le cerveau humain combine les attentes et les informations sensorielles pendant la communication humaine s’avère fondamental pour certaines pathologies cliniques. Même si les attentes préalables peuvent améliorer la perception du langage, elles peuvent également entraîner une perception erronée, avec comme possibles conséquences, entre autres, une situation comique ou de graves malentendus. Chez les personnes malentendantes, les perceptions erronées sont un phénomène fréquent pouvant se traduire par un retrait et un isolement sociaux entraînant de graves conséquences pour le bien-être. En outre, les résultats d’EXPECTBRAIN ont des répercussions sur les pathologies neuropsychiatriques associées à des expériences perceptuelles inhabituelles, ainsi que sur les travaux d’ingénierie en matière de reconnaissance vocale automatique.
Mots‑clés
EXPECTBRAIN, cerveau, reconnaissance faciale, langage, IRMf, déficience auditive, signal sensoriel, perception du langage, circuits neuronaux