Boucler la boucle: le traitement des eaux usées devient plus durable et presque neutre en carbone
Les usines de traitement des eaux usées sont l’une des industries les plus coûteuses en termes d’exigences énergétiques, car de grandes quantités d’énergie sont consacrées à traiter les eaux usées afin d’être réutilisées ou rejetées dans l’environnement. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation d’électricité dans le monde pour la collecte et le traitement des eaux usées nécessitera 60 % d’électricité supplémentaire en 2040 par rapport à 2014, car la quantité d’eaux usées à traiter augmente.
Transformer les déchets en ressources
Il est important de considérer les usines de traitement des eaux usées comme des installations de récupération des ressources, et pas seulement comme des installations d’élimination des déchets. Cela signifie qu’elles sont susceptibles de produire de l’eau propre, de récupérer des nutriments et des matériaux sûrs, et de réduire la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles grâce à des processus économes en énergie et à une production d’énergies renouvelables. Les professionnels innovateurs paneuropéens du traitement des eaux usées se sont réunis au sein du projet SMART-Plant, financé par l’UE, pour étudier comment les technologies qui récupèrent des matériaux utiles à partir des eaux usées pour générer des produits commercialisables peuvent être modernisées dans le cadre des stations d’épuration d’eaux usées actuelles. Par ailleurs, le projet a mis au point de nouveaux systèmes pour surveiller l’utilisation énergétique et l’empreinte carbonique du traitement des eaux usées.
Des technologies intelligentes de récupération des matériaux
«SMART-Plant a développé des solutions innovantes et écologiques qui fournissent des preuves sur la manière dont les services publics peuvent transformer leurs sites de traitement des eaux usées en installations de récupération des ressources, réduire leur consommation d’énergie et leur empreinte carbonique et numériser leurs opérations», explique Francesco Fatone, coordinateur du projet. Le projet a fait la démonstration de différentes technologies (SMARTechs) dans le cadre de sept usines pilotes. Aux Pays-Bas, les partenaires du projet ont mis au point un processus pour séparer la cellulose des eaux usées entrantes et les transformer en fibres de cellulose propres. En Israël, les partenaires ont fait la démonstration d’un biofiltre anaérobie breveté transformant les eaux usées en énergie renouvelable (biogaz). Les partenaires espagnols ont fait la démonstration d’un processus appelé SCEPPHAR pour traiter les eaux usées tout en récupérant simultanément des produits (jusqu’à 50 % de phosphore et de boues enrichies de polyhydroxyalcanoates, les biopolymères les plus prometteurs comme substituts des plastiques à base de pétrole). L’étude pilote du Royaume‑Uni a démontré un processus d’échange d’ions pour récupérer l’ammoniac et le phosphore à partir d’eaux usées secondaires, en vue d’une possible réutilisation dans l’industrie des produits chimiques et des engrais. En Italie, les processus SCENA et SCEPPHAR traitent les eaux troubles, très riches en nutriments phosphorés et azotés, pour éliminer jusqu’à 85 % de l’azote, récupérer le phosphore sous forme de struvite et produire une boue enrichie en PHA, tout en réduisant les coûts énergétiques jusqu’à 20 %. En Grèce, une hydrolyse thermique couplée à SCENA est développée pour traiter les boues des eaux de rejet à teneur élevée en ammoniac. Les ressources extraites par les SMARTechs (cellulose, nutriments et PHA) sont ensuite transformées en produits par deux «processus SMARTechs en aval». La première technologie utilise des matériaux PHA et cellulosiques pour fabriquer du plastique biocomposite pouvant être utilisé dans l’industrie du bâtiment ou pour produire des biens de consommation. La deuxième consiste en un compostage dynamique pour produire des engrais commerciaux ou des biocombustibles à partir de boues riches en phosphore et en cellulose.
Surmonter les obstacles au traitement circulaire des eaux usées
L’industrie de l’eau joue un rôle important dans l’économie circulaire émergente qui permet de conserver les ressources aussi longtemps que possible. «SMART-Plant estime que les services des eaux peuvent devenir les moteurs de l’économie circulaire si les gestionnaires remplacent l’hésitation et le scepticisme par une attitude positive générale à l’égard des solutions innovantes et écologiques pour la récupération des ressources», explique M. Fatone. Pour y parvenir, les partenaires du projet ont engagé du personnel local des services des eaux dans les installations pilotes à grande échelle, en fournissant des sessions de formation et des manuels. «Cela a permis aux opérateurs de saisir comment les systèmes de récupération des ressources peuvent changer progressivement le paradigme de la gestion des eaux usées sans perturber les actifs et la charge de travail actuels», fait remarquer M. Fatone. Le vaste éventail de technologies de SMART-Plant dévoile le fait que les eaux usées ne devraient pas être traitées comme des déchets, mais plutôt comme une ressource.
Mots‑clés
SMART-Plant, gestion des eaux usées, récupération des ressources, PHA, cellulose, économie circulaire, azote, biogaz, phosphore