Une étude révèle le coût des dommages causés par les espèces envahissantes
Des chercheurs financés par l'UE évaluent le coût des dommages résultant de l'action des espèces envahissantes en Europe. S'exprimant dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment, des scientifiques du projet DAISIE («Delivering alien invasive species inventories for Europe») présentent les espèces étrangères ayant l'impact le plus important sur l'économie et l'environnement. Les résultats de ce projet contribueront à la stratégie de l'UE relative aux espèces envahissantes. Environ 10000 espèces exogènes ont élu domicile en Europe, mais les données concernant l'impact économique sont limitées à 1347 d'entre elles, et à 1094 pour l'impact écologique. «L'impact de nombre de ces envahisseurs passe inaperçu; pourtant, notre vie dépend des services écosystémiques assurés par toutes les espèces qui nous entourent», met en garde l'auteur principal Montserrat Vilà, de la Estación Biológica de Doñana (Département de biologie de la conservation) de Séville en Espagne. «La présence d'espèces étrangères, et bien souvent leur prédominance, peut avoir de nombreuses conséquences qui modifient les services écosystémiques. Ces changements peuvent être irréversibles, et beaucoup sont aussi importants que ceux qui résultent du changement climatique ou de la pollution.» Dans cette récente étude, les chercheurs ont étudié l'impact des 100 espèces envahissantes les plus dommageables sur un éventail de services écosystémiques, notamment des services de «soutien» (comme les cycles de l'eau et de l'énergie), de «facilitation» (comme la pollinisation des cultures), de «régulation» (comme la filtration de l'eau) et «culturels» (par exemple pour les loisirs ou l'esthétique). Les analyses ont révélé que l'impact des vertébrés terrestres s'étend à un large éventail de services écosystémiques. C'est ainsi que le ragondin, un rongeur semi-aquatique originaire d'Amérique du Sud, s'attaque aux cultures et à la végétation sauvage, mine les berges en creusant ses tanières et transmet une bactérie pathogène. De leur côté, les invertébrés terrestres ont des impacts sur une variété plus limitée de zones mais causent les pertes économiques les plus importantes. En effet, ils ont un impact majeur sur les récoltes et les forêts. Au Royaume-Uni, les pertes dues aux arthropodes exogènes sont estimées à plus de 3 milliards d'euros, et l'Italie a dépensé plus d'un million d'euros pour lutter contre les capricornes asiatiques. Dans leur majeure partie, ces coûts résultent des actions entreprises pour surveiller, contrôler et éradiquer les envahisseurs, ainsi que des programmes de formation. Les envahisseurs les plus coûteux sont la jacinthe d'eau (3,4 millions d'euros), le ragondin (2,8 millions d'euros) et une algue marine (8,2 millions d'euros). Les secteurs les plus touchés sont l'agriculture, l'exploitation forestière, la pêche, la conservation des espèces et la santé. Les chercheurs considèrent qu'il faut de toute urgence engager davantage d'études sur l'impact des espèces envahissantes. Dans ce domaine, l'Europe a beaucoup à apprendre des États-Unis, où l'on conduit bien plus d'études sur l'impact des espèces envahissantes. En revanche, les États-Unis bénéficieraient de la mise en place d'un inventaire des espèces envahissantes, comme celui qu'apporte la base de données DAISIE. Les chercheurs suggèrent d'interfacer une telle base de données américaine avec DAISIE. «Nous devons harmoniser les informations concernant les impacts, aux niveaux des espèces et des régions», conclut le Dr Vilà. «Nous pourrons alors créer des organismes institutionnels couvrant plusieurs secteurs, comme l'agriculture, l'environnement, la santé et les transports, afin d'aborder la prévention et la gestion de l'impact de ces invasions biologiques.»