Vers une médecine régénérative améliorée pour soigner l’épilepsie
L’épilepsie du lobe temporal (ELT) est la forme la plus courante d’épilepsie et c’est pourtant celle qui répond le moins au traitement. Les patients présentent un ensemble typique de lésions cérébrales progressives qui affectent les processus cognitifs et émotionnels. Le projet Re.B.Us, un des projets H2020 de l’UE, s’est attelé à jeter les bases des approches biohybrides pour induire l’autorégénération du cerveau dysfonctionnel. Comme l’explique la Dre Gabriella Panuccio, chercheuse du projet, «notre objectif était de prouver que le cerveau malade peut être guéri grâce à une approche biohybride, combinant des outils provenant de la biologie et de l’ingénierie.» Schémas d’activité électrique dans la ELT Les chercheurs ont utilisé un modèle in vitro de ELT – des tranches de cerveau de rongeur comprenant des zones cérébrales jouant un rôle essentiel au niveau de la ELT, traitées pharmacologiquement pour induire les schémas d’activité électrique typiques observés chez les patients atteints de ELT. L’électrophysiologie, à l’aide de rangées de microélectrodes, a été combinée à des outils d’ingénierie pour moduler ces schémas. Un dialogue physiologique entre les régions cérébrales affectées a été rétabli par le biais de passerelles électroniques. «Le signal généré par l’hippocampe, qui peut prévenir les crises déclenchées par le cortex mais qui est compromis dans la ELT, est au cœur du modèle expérimental», souligne la Dre Panuccio. Restauration du dialogue entre cortex et hippocampe Les chercheurs ont été en mesure de rectifier la propension du cortex à déclencher des crises en remplaçant d’abord le signal cérébral hippocampique manquant par un schéma de stimulation électrique de substitution qui imite la dynamique temporelle de l’activité hippocampique. Ils ont ensuite utilisé une passerelle électronique unidirectionnelle pour rétablir le dialogue fonctionnel entre l’hippocampe et le cortex. Une tranche d’hippocampe a enfin été utilisée comme tissu «greffé» pour faire office d’hippocampe pour la tranche de cortex «hôte» afin de contrôler l’activité des crises dans ce dernier. «Cela constitue le but ultime de Re.B.Us ces expériences pionnières annonçant la faisabilité de l’approche biohybride proposée par Re.B.Us», souligne la Dre Panuccio. Une modulation électrique ingénieuse Dans leurs derniers travaux, les chercheurs de Re.B.Us ont établi une passerelle électronique bidirectionnelle entre deux tranches de cerveau distinctes, l’une jouant le rôle d’hippocampe greffé «sain» et l’autre, celui du cortex hôte «malade». Les événements pathologiques détectés au niveau du cortex ont déclenché une stimulation électrique de l’hippocampe; ce qui, à son tour, a provoqué une détection d’activité dans l’hippocampe et une stimulation électrique sur le cortex. Le logiciel de contrôle développé a été soigneusement affiné pour obtenir des règles de stimulation optimales afin d’engager réciproquement les tissus de la greffe et de l’hôte de manière à réduire de manière significative l’intensité des crises. Dans les limbes de l’inconnu – ingénierie neuromorphique et IA Après le paradigme in vitro simplifié de Re.B.Us la prochaine étape consiste logiquement à utiliser les organites hippocampiques comme tissu de greffe in vivo, chez des rongeurs épileptiques. La Dre Panuccio explique: «Les organites hippocampiques sont des répliques de tissu hippocampique obtenues grâce au génie génétique, qui peuvent être générées in vitro à partir de cellules souches. On sait très peu de choses sur leur activité électrique, car ils n’ont été obtenus que récemment grâce à des techniques d’ingénierie tissulaire, mais ils semblent être intrinsèquement dotés de la capacité de générer le schéma capable d’éliminer les crises.» Les stratégies futures pour guérir l’épilepsie pourraient s’appuyer sur l’exploitation conjointe des greffes de neurones grâce à l’ingénierie neuromorphique et à l’intelligence artificielle (IA). L’ingénierie neuromorphique pourrait constituer une solution sans précédent pour la conception de prothèses cérébrales biomimétiques, se comportant de manière similaire à un cerveau et apprenant à fonctionner de manière à favoriser l'intégration saine du greffon. L’IA optimiserait en temps réel les fonctions des éléments électroniques neuromorphiques pour empêcher l’entraînement du greffon et les dommages causés par l’activité pathologique du cerveau hôte. «La vision dominante suggère que l’électronique neuromorphique et les algorithmes d’IA finiraient par se désactiver à la suite d’une récupération réussie de la fonction cérébrale, une fois que leur intervention ne s’avèrerait plus nécessaire», souligne la Dre Panuccio. Pour résumer les avancées de Re.B.Us la Dre Panuccio déclare: «Je pense que Re.B.Us représente le point de départ d’une nouvelle approche de la réparation du cerveau, basée sur l’exploitation conjointe de la médecine régénérative et de la neuro-ingénierie; une stratégie d’exploitation des biohybrides qui risque de bouleverser la façon dont nous abordons les troubles cérébraux, en faisant passer le paradigme actuel consistant à traiter le cerveau malade à celui de sa régénération.»
Mots‑clés
Re.B.Us, cerveau, hippocampe, cortex, greffe, épilepsie du lobe temporal (TLE), épilepsie, intelligence artificielle (IA), ingénierie neuromorphique, biohybride