Une nouvelle analyse de la météorisation trace avec précision les flux géochimiques sous la surface de la Terre
L’exploitation des ressources naturelles de la surface terrestre se déroule à un rythme et à une échelle sans précédent. Si l’exploitation des sols, des eaux et des métaux précieux est supposée être durable, elle doit être plus efficace. Atteindre cet objectif repose sur une meilleure compréhension des processus biogéochimiques transformateurs impliqués lorsque les éléments chimiques se déplacent de la roche vers le sol, dans les plantes, les eaux souterraines, les rivières et les gisements de minerai. Le projet IsoNose financé par l’UE a été créé pour utiliser les progrès technologiques récents, en particulier dans le domaine de la spectrométrie de masse, afin d’explorer la formation de ces ressources naturelles et ainsi ouvrir la voie à de meilleures pratiques. Le projet a permis de mieux comprendre comment la surface de la Terre transfère des éléments chimiques dissous, mais aussi comment les métaux modifient leur empreinte isotopique lorsqu’ils sont absorbés par les organismes. Mesurer les isotopes avec la spectrométrie de masse La roche est convertie en terre (météorisation) lorsque l’eau s’écoule à travers les fractures rocheuses et les réactions chimiques qui en découlent convertissent les minéraux primaires en minéraux secondaires, le carbone organique s’accumulant près de la surface de la Terre et une couche de terre restant en-dessous. Ce processus se déroule généralement sur plusieurs milliers d’années À cause de la dissolution des roches, chacun des éléments chimiques piégés, comme le magnésium, le fer ou le zinc (pour se limiter aux métaux) suit une voie différente. Certains se déplacent dans les sols nouvellement formés, d’autres sont consommés par les plantes, d’autres encore dissous dans les rivières. Pour en savoir davantage sur la composition et la transformation des éléments, métalliques en particulier, l’équipe d’IsoNose a recueilli des échantillons de roches encaissantes, de sols et de sédiments météorisés, ainsi que d’eau pour les analyser en laboratoire. Ces analyses dépendaient de la mesure des isotopes de ces éléments (leur poids ou masse atomique variable) présents dans les échantillons. Par exemple, les chercheurs ont utilisé ce que l’on appelle le «fractionnement isotopique» - la tendance de certains isotopes (dont le poids atomique est plus lourd ou plus léger) à se déplacer dans un matériau donné formé à la surface de la Terre par météorisation, par exemple. Cela permet ensuite d’imaginer les causes probables de ces transformations (comme le changement climatique). L’équipe a d’abord pesé les échantillons pour déterminer la quantité de chaque élément qu’ils contenaient, suivant un processus appelé chromatographie, ensuite utilisé pour séparer les éléments les uns des autres. Un spectromètre de masse a ensuite permis de mesurer les isotopes en injectant les particules d’isotopes ionisés dans un tube à champ électrique, en séparant les isotopes les plus légers des plus lourds, donnant à chaque échantillon une valeur de rapport isotopique. Comme l’explique le professeur Friedhelm von Blanckenburg, coordinateur du projet, «la combinaison de cette méthode existante de “spectrométrie de masse à couplage inductif multicollecteur” avec une technique appelée ablation laser femtoseconde s’est révélée extrêmement puissante. La combinaison a mesuré très précisément et simultanément de minuscules changements dans l’abondance relative des isotopes des éléments métalliques et des quantités chimiques sur les solides avec une résolution de quelques millièmes de millimètre.» De meilleures pratiques et des applications plus nombreuses D’un point de vue environnemental, la recherche d’IsoNose peut être utilisée pour expliquer comment la surface de la Terre régule le climat et les gaz à effet de serre depuis des millions d’années. Les techniques peuvent également être utilisées pour identifier les sources de contaminants environnementaux ou pour déterminer l’efficacité des efforts d’assainissement. La mesure des isotopes métalliques améliore également la compréhension de la façon dont ces éléments sont apparus dans la roche en premier lieu, offrant ainsi des perspectives à l’industrie minière pour une extraction plus durable. Comme le dit le professeur von Blanckenburg: «Nous avons fourni un cadre scientifique, avec des données empiriques, pour une meilleure utilisation des ressources de la surface de la Terre et d’une manière qui ne nuira pas à leur utilisation par les générations futures.» Le transfert de ces techniques aux pratiques de gestion des sols, pour une production alimentaire qui puisse répondre plus efficacement aux besoins d’une population mondiale aujourd’hui bien supérieure à sept milliards de personnes et en croissance rapide constitue un autre domaine de recherche à venir. La mesure des isotopes métalliques pourrait contribuer à suivre précisément les voies de passage des nutriments minéraux des sols vers les plantes et ainsi permettre la fabrication d’engrais plus ciblés et la mise en place de biomarqueurs pour les maladies. Pour conclure, le professeur von Blanckenburg a déclaré: «Nos chercheurs utiliseront IsoNose comme une plate-forme d’où ils axeront ce domaine émergent vers de nouveaux domaines, comme les géosciences, la criminalistique environnementale, les sciences biomédicales ou la prospection des ressources minérales.»
Mots‑clés
IsoNose, sol, roche, météorisation, eau, minéraux, éléments métalliques, isotopes, dépôts de minerai, spectromètre de masse, production alimentaire