Des polymères enrichis en graphène prêts à être commercialisés
Aujourd’hui encore, le graphène demeure assez coûteux, ce qui n’encourage pas son incorporation à grande échelle dans les produits commerciaux. Mais cela n’a pas empêché les chercheurs de toute l’Europe de poursuivre le développement de matériaux et de techniques de production qui peuvent éveiller l’intérêt de l’industrie lorsque de grands lots de graphène seront disponibles à moindre prix. Le projet POLYGRAPH (Up-Scaled Production of Graphene Reinforced Thermosetting Polymers for Composite, Coating and Adhesive Applications) figure parmi ces entreprises pionnières. En réunissant 14 partenaires, y compris les petites et moyennes entreprises (PME), les sociétés, les universités et les centres de recherche, le projet visait à fournir à une échelle industrielle des quantités de polymères thermodurcissables enrichis en graphène. «Nous nous sommes intéressés aux différentes façons d’améliorer les propriétés thermomécaniques et électriques des revêtements, des additifs et des composites», explique Maria Konstantakopoulou, ingénieur de développement de la société Coventive Composites qui coordonne le projet. Une fois les résultats cibles définis, l’équipe a choisi des polymères adéquats, a précisé une série de catégories de graphite et de graphène et a identifié les techniques d’exfoliation et de dispersion adéquates qui pourraient lui permettre, à terme, d’augmenter la production tout en assurant une distribution correcte du graphène dans le produit final. Comme le coordinateur du projet POLYGRAPH, Ben Hargreaves, l’explique, l’idée était de réaliser une production «à une échelle qui serait viable pour d’autres sociétés, leur permettant d’envisager l’intégration de notre solution dans leurs produits actuels ou futurs». La conversion des matériaux composites à grande échelle constitue en effet un obstacle à leur adoption par le marché. La capacité des partenaires du projet de produire 100 kg de graphite et 25 kg de graphène par lot a ouvert de nouvelles perspectives. Le consortium du projet a produit différents matériaux composites dont la conductivité électrique et les propriétés mécaniques ont été évaluées. Les revêtements, les adhésifs et les composites les plus prometteurs ont été utilisés dans des pièces de démonstration, respectivement un élément structurel pour l’aéronautique, un élément de radôme/carénage aéronautique peint, et un panneau dorsal pour siège arrière de voiture. Les avantages comprennent un meilleur comportement structurel, une réduction du poids, l’esthétique, les propriétés électriques et la résistance au feu. «L’un des avantages principaux des composites enrichis en graphène issus de ce procédé de recherche et de développement repose sur leurs propriétés électriques qui permettent leur utilisation dans le blindage contre les interférences électromagnétiques (EMI) ou dans les systèmes de dégivrage des éoliennes», souligne Konstantakopoulou. En attendant le moment opportun Gary Foster, qui a été le gestionnaire du projet POLYGRAPH, précise que les perspectives commerciales varient fortement pour chacun des trois matériaux. «Du côté des revêtements, notre partenaire de projet HMG Paints peut lancer le processus de production directement, car les matériaux que nous avons développés sont assez proches des produits qu’ils vendent actuellement. Les adhésifs, en revanche, sont un peu plus sensibles au prix. Cela ne signifie pas que nos partenaires n’utiliseront pas ces matériaux, ils attendent simplement le moment propice, lorsqu’il y aura une demande pour le produit». Le troisième produit, un composite préimprégné, aussi appelé prépreg, a été particulièrement important pour Conventive Composites, comme le souligne Hargreaves: «À la base, prépreg n’avait pas été prévu pour prendre une place aussi importante dans le projet que ce qui a fini par arriver. Nous avons également examiné d’autres techniques de production telles que l’infusion, mais les premiers travaux ont clairement démontré que le prépreg deviendrait la technique optimale». Foster et Hargreaves s’accordent à dire que la société devrait désormais se concentrer sur la recherche d’un marché de niche adéquat pour ce composite, et que les efforts futurs devraient se concentrer sur l’identification des besoins des clients potentiels et sur la manière dont le produit pourrait être amélioré pour répondre à leurs exigences. D’ici là, l’équipe suivra de près l’évolution du graphène. «Un certain niveau de généralisation est nécessaire», explique Foster. «Par exemple, si nous voulons utiliser notre produit dans le secteur aéronautique, les clients auront besoin de certaines données fondamentales des producteurs de graphène, que ceux-ci ne sont pas actuellement en mesure de fournir. Ce sont des obstacles que nous ne pouvons surmonter seuls». C’est dans cette optique que le consortium POLYGRAPH a collaboré étroitement avec l’initiative Graphene Flagship, créant un lien entre les universités et l’industrie, de manière à ce que la recherche des premières réponde mieux aux besoins des derniers. En définitive, cette collaboration permettra à Coventive Composites d’apporter au marché des solutions innovantes pour des produits tels que le blindage EMI ou les systèmes de dégivrage des pales d’éoliennes.
Mots‑clés
POLYGRAPH, graphène, revêtements, adhésifs, prépreg, composites, polymères thermodurcissables