Tendances scientifiques: Des papyrus anciens livrent un nouveau secret: une encre métallique
Les papyrus d'Herculanum, découverts au XVIIIe siècle, ont été ensevelis par l'éruption du Vésuve de l'an 79 avant Jésus-Christ, célèbre pour sa destruction des villes romaines de Pompéi et d'Herculanum. L'éruption a laissé dans un état d'extrême fragilité cette collection de 2 000 rouleaux très serrés de papyrus. Les précédentes tentatives pour les lire se sont traduites par des dommages importants ou une destruction totale. Les scientifiques de l'Installation européenne de rayonnement synchrotron ont utilisé cet accélérateur pour générer des rayons X 100 milliards de fois plus puissants que ceux utilisés dans un hôpital moderne, et constaté qu'une encre métallique avait permis d'écrire sur ces papyrus. Cette découverte est inattendue car jusqu'ici les universitaires s'étaient basés sur des preuves laissées par l'historien romain Pline l'Ancien, selon qui l'encre de l'époque était faite de suie récupérée des chaudières à bois. Pline a d'ailleurs été l'une des nombreuses victimes de l'éruption du Vésuve. La découverte En janvier 2015, les chercheurs ont soumis les papyrus au rayonnement de l'accélérateur, ce qui leur a permis d'y lire des lettres de l'alphabet grec, et même des mots entiers. Ils ont ensuite constaté que les rouleaux de papyrus contenaient une concentration élevée en plomb, qui ne pouvait provenir que de l'usage intentionnel de ce métal dans l'encre. Les scientifiques sont arrivés à cette conclusion après avoir calculé que la concentration en métal dans les papyrus était trop élevée pour venir de l'eau polluée par le métal des canalisations en plomb qu'utilisaient les Romains, d'un encrier en cuivre ou d'un récipient en bronze. «Dans l'encre du métal, nous avons trouvé du plomb, supposé apparaître environ 4 siècles après [l'éruption du Vésuve]», a commenté le Dr Emmanuel Brun de l'Installation européenne de rayonnement synchrotron. Il continuait: «Le consensus est que les Romains n'ont commencé à utiliser de l'encre métallique qu'au quatrième siècle.» Les travaux ont été publiés dans les «Proceedings of the National Academy of Sciences». Ils décrivent l'étude de l'encre et du papier utilisé par l'Empire romain à son apogée, et montrent clairement que l'invention de l'encre métallique est antérieure de quelques siècles à ce que l'on croyait. De nouvelles opportunités pour les universitaires Il est maintenant possible d'explorer plus en détail les écrits des époques anciennes, et de progresser pour lire des textes anciens considérés comme perdus depuis longtemps. Il devient aussi envisageable de déchiffrer des textes jusqu'ici inconnus. «La découverte est intéressante d'un point de vue historique mais aussi par rapport à la technique d'imagerie des papyrus», souligne le Dr Brun. «Les étapes de cette étude sur l'encre nous permettront d'optimiser les prochaines expériences pour lire le texte jusqu'ici invisible de ces papyrus.» Sur les 2 000 rouleaux récupérés à Herculanum, environ 600 n'ont pas été touchés. La plupart portent des essais philosophiques en grec ancien, mais on a également découvert une comédie, écrite en latin. Ces découvertes et l'amélioration de l'imagerie par rayons X abordée par le projet pourraient bientôt permettre de déchiffrer les rouleaux restants, sans les endommager, et d'enrichir considérablement nos connaissances sur la culture, la littérature et les modes de vie du monde classique.
Pays
France