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Success stories de projets - Les analyseurs à temps de vol, une technologie qui monte

Grâce à une technologie révolutionnaire conçue par des chercheurs européens, les analyseurs à temps de vol (TOF, de l'anglais time-of-flight) seront bientôt courants dans les voitures ainsi que dans les ordinateurs et les téléphones portables. Associée aux algorithmes adéquats, cette technologie promet une toute nouvelle catégorie d'interfaces entre l'homme et l'ordinateur.

Thomas est un adolescent tétraplégique, qui arrive à peine à bouger sa tête sur quelques millimètres, d'un côté et de l'autre. C'est le seul mouvement qu'il puisse faire. Grâce aux nouveaux matériels et logiciels TOF 3D conçus par les chercheurs européens, ce mouvement minime sera cependant suffisant pour piloter un système bon marché de contrôle d'un ordinateur, ouvrant ainsi à Thomas tout un monde de communication. Ce scénario fictif illustre la puissance et l'importance d'une technologie révolutionnaire récemment créée dans le cadre d'un projet de recherche financé par l'UE. Ce projet, baptisé ARTTS («Action recognition and tracking based on time-of-flight sensors»), s'est attaché à améliorer la technologie sous-jacente et à concevoir de nouveaux algorithmes (les codes qui contrôlent les capteurs) afin de reconnaître certaines actions et de suivre des objets. Les analyseurs TOF sont une nouvelle technologie très attrayante. «Microsoft a récemment acquis 3DV Systems, une société israélienne du secteur TOF, pour utiliser cette technologie dans sa prochaine génération de console de jeu», explique le professeur Erhardt Barth, coordinateur du projet ARTTS et directeur adjoint de l'institut de neuroinformatique et bioinformatique de l'université de Lübeck, en Allemagne. «L'interaction homme-ordinateur à l'aide de la technologie TOF était le moteur principal de nos travaux.» Le principe de TOF est assez simple. Le capteur mesure le temps que met la lumière à atteindre un objet et à revenir (le temps de vol) et utilise ce délai pour calculer la distance de l'objet. Un analyseur TOF est une caméra 3D semblable aux scanners laser et de stéréovision, mais plus économique et adaptable. Plus rapide, plus léger, plus économique Pour atteindre ce triple objectif, les chercheurs ont suivi un programme de travail très ambitieux. Ils devaient améliorer considérablement les analyseurs TOF, augmentant leur résolution axiale ainsi que la qualité du signal, tout en réduisant la taille, la consommation et le coût. «Nous devions démontrer qu'il était possible de réaliser des capteurs … assez petits pour tenir dans une webcam, un ordinateur et même un téléphone portable», souligne le professeur Barth. «Cet analyseur est bien plus petit et d'un bien meilleur rendement que tout ce qui existait jusque là. Le port USB suffit pour l'alimenter, mais il a les mêmes propriétés que des systèmes bien plus gros, lourds et grands consommateurs d'énergie.» Mais il ne suffisait pas de réduire la taille, le coût et la consommation: l'analyseur devait aussi être suffisamment exact. «Ce facteur est un autre point important», fait remarquer le professeur Barth. «Cet analyseur utilise sa propre source lumineuse, des diodes infrarouge, mais il se distingue par la modulation de cette lumière: l'éclairement varie très rapidement avec le temps, et l'exactitude dépend de la fréquence de ce changement. Nous avons réussi à fabriquer une source lumineuse à 60MHz, dont la luminosité change 60 millions de fois par seconde. L'analyseur est ainsi bien plus exact à moyenne portée.» Les analyseurs TOF sont généralement optimisés pour fonctionner à longue distance, de 1 à 7 mètres, mais l'analyseur ARTTS est plus exact en dessous du mètre, ce qui convient à la reconnaissance de contacts tactiles sur des smartphones (ou téléphones intelligents). «L'iPhone a habitué les gens à toucher l'écran, et la prochaine étape serait d'interagir sans contact. C'est là que nous intervenons.» «Je pense donc que l'analyseur ARTTS conçu par notre partenaire CSEM est le principal concurrent de ce dont dispose aujourd'hui Microsoft. Je considère même qu'il est plus performant, mais il faut encore l'améliorer pour qu'il devienne un produit de masse», souligne le professeur Barth. Un analyseur à double capteur L'équipe a également réalisé un autre analyseur, qui associe un capteur TOF à basse résolution avec un capteur de qualité télévision HD (TVHD). «Notre partenaire SMI considère que ce capteur sera plus adapté à la sécurité et aux soins de santé, en assurant une surveillance vidéo des personnes âgées et en avertissant le personnel soignant en cas de problème d'un patient, par exemple», explique le professeur Barth. Le système pourrait ainsi suivre une personne qui se déplace dans une pièce, et reconnaître ce qu'elle fait. Le professeur est enthousiaste au sujet de cet analyseur car même un capteur TOF de basse résolution apporte des informations très utiles sur la distance, alors qu'un capteur vidéo basse résolution est moins intéressant. «Je pense que ces analyseurs à double capteur seront parfaits pour la plupart des environnements et des appareils. Ils utilisent un séparateur de faisceau qui envoie les infrarouges vers le capteur TOF et la lumière visible vers le capteur vidéo. La technologie des séparateurs est aboutie, rentable, et largement utilisée dans les caméscopes.» Si le matériel est au sommet de la technologie, le logiciel est essentiel aux fonctionnalités. Des équipes universitaires du Danemark, d'Allemagne et de Roumanie ont travaillé sur trois problèmes logiciels. Ainsi, il s'agissait d'améliorer considérablement la qualité du signal provenant du capteur TOF, et l'équipe a eu recours à des solutions très ingénieuses. Par exemple, le groupe du professeur Barth a compris que l'intensité lumineuse et la distance ne sont pas indépendantes et qu'elles sont reliées par le facteur d'ombrage. Si l'on connaît la réflectivité de l'objet observé, l'utilisation du facteur d'ombrage augmente considérablement la qualité des cartes de distances, de manière objective et subjective. D'autres solutions ont amélioré davantage le signal. Le deuxième objectif logiciel était de concevoir un algorithme pour le suivi d'objet. «J'ai longuement travaillé avant d'essayer de suivre des éléments du visage comme les yeux ou le nez, et c'est loin d'être facile», révèle le professeur Barth, «surtout dans un endroit comme une voiture, où l'éclairement change sans arrêt.» Un capteur qui fait dans la subtilité Un capteur TOF fournit deux cartes: l'une donne les distances, l'autre les intensités lumineuses. Associée avec la première, la carte d'intensité apporte suffisamment d'informations pour être utile. C'est ainsi qu'en renforçant la mesure de distance à l'aide du signal d'intensité lumineuse, le projet ARTTS a pu mettre au point divers algorithmes capables de suivre une personne. Ce résultat est important pour les autres travaux de l'équipe: du moment que le système peut suivre un objet avec fiabilité, il est prêt pour la reconnaissance des gestes, ce qui était l'objectif du projet ARTTS dès le début. Et il s'avère que le système ARTTS est capable de reconnaître des contacts plutôt subtils. L'évaluation de la distance pour un pixel est entachée d'erreurs de mesure, mais on dispose de nombreux pixels, et donc d'un grand nombre de valeurs. L'erreur finale est moyennée par la combinaison de ces valeurs, ce qui augmente considérablement la sensibilité. Dans sa version actuelle, le système peut même contrôler une présentation de diapositives en reconnaissant des gestes pour pointer, passer à la diapositive suivant ou précédente, etc. Les utilisations de ces technologies sont quasiment illimitées. Dans le cadre d'un processus de soumission très disputé, le projet a reçu 400 000 euros du gouvernement allemand pour créer une start-up (une jeune entreprise de haute technologie à fort potentiel de croissance) qui fournira la technologie et les services. Le client achètera un ensemble logiciel et matériel pour concevoir ses propres utilisations, ou s'en remettra totalement à la nouvelle société TOF-GT. L'équipe réalise actuellement un système de publicité pour la gare de Vienne. Il comprend un écran haute définition de 12 mètres de large et plusieurs analyseurs TOF, qui permettront aux usagers d'interagir avec l'écran qui affiche les publicités. Il pourra aussi servir à des questionnaires ou gérer les informations à destination des clients. L'équipe étudie également une version plus petite destinée aux magasins ou aux centres commerciaux. Passons à la chirurgie du cerveau L'équipe collabore également avec des neurochirurgiens et un constructeur d'équipements médicaux pour mettre au point des gestes propres à la salle d'opérations. Les neurochirurgiens utilisent une très grande quantité d'informations et dans divers formats: images, paramètres vitaux ou affichages d'un grand nombre d'instruments. «Actuellement, le chirurgien doit poser son scalpel, changer la vue affichée puis continuer l'opération, mais nous concevrons un système qui réagira à certains gestes. Il ne s'agit pas simplement d'un projet de recherche, mais d'une utilisation future.» C'est un avant-goût de l'avenir, pour la technologie. Aujourd'hui, les capteurs TOF sont principalement utilisés dans les laiteries, pour diriger les trayeuses automatiques vers les mamelles des vaches. Mais les possibilités des capteurs TOF sont quasiment sans limites, et grâce au projet ARTTS, ils sont maintenant suffisamment petits, abordables, efficaces et optimisés pour le suivi d'objets et la reconnaissance des gestes. Le projet ARTTS a été soutenu au titre du thème IST du sixième programme-cadre de recherche (6e PC) de l'UE.