Une recherche révèle la manière dont les mammifères ont adapté leur colonne vertébrale à la vie aquatique
Tout au long de l’histoire de l’évolution, des mammifères initialement adaptés à la vie sur terre ont plusieurs fois effectué des transitions vers le milieu aquatique, développant divers degrés d’adaptation dans des groupes tels que les phoques, les baleines, les dauphins et les loutres. Parmi ceux-ci, la plupart des espèces aquatiques, telles que les baleines, ont subi des transformations spectaculaires. Le schéma corporel typique des mammifères (quatre membres, des mains et des pieds) a progressivement évolué vers une morphologie plus aquatique dotée de nageoires ou de palmes, optimisées pour la nage. Parallèlement à ces changements physiques, le principal mode de locomotion est passé du mouvement propulsé par les membres à la nage propulsée par le corps, assurée par le mouvement ondulatoire de puissants muscles dorsaux. «Malgré ces remarquables adaptations, nous comprenons encore mal le rôle de la colonne vertébrale dans cette transition, principalement en raison de sa morphologie complexe et du manque de connaissances en biomécanique», explique Katrina Jones, coordinatrice du projet Back2Sea. Financé par le programme Actions Marie Sklodowska-Curie, Back2Sea a examiné en détail les transformations structurelles et fonctionnelles de la colonne vertébrale tout au long des transitions entre la terre et l’eau des mammifères. «En comparant les espèces terrestres aux espèces semi-aquatiques et entièrement aquatiques, nous avons voulu découvrir comment ces transformations structurelles ont permis cette transition exceptionnel», ajoute Katrina Jones. Les recherches ont été menées en collaboration avec le musée de zoologie comparée de l’université de Harvard.
Des mammifères qui remodèlent leur colonne vertébrale pour vivre dans l’eau
L’étude approfondie a impliqué la visite de plusieurs collections de musées dans le monde entier. Au cours de leurs visites, les chercheurs ont recueilli des mesures détaillées de la colonne vertébrale de mammifères actuels et d’espèces fossiles qui représentaient des formes transitoires. Ils ont ainsi pu retracer l’évolution de la morphologie de la colonne vertébrale à mesure que les mammifères s’adaptaient à un mode de vie aquatique. «Une question essentielle était de savoir si l’organisation de la colonne vertébrale en différentes régions avait été affectée par cette transition écologique», explique Amandine Gillet, boursière Marie Sklodowska-Curie du projet. «Nos résultats ont révélé que l’évolution des baleines portait principalement sur la région caudale de la colonne vertébrale, contrairement aux mammifères terrestres, chez qui elle portait principalement sur la région du tronc. Cela est logique car la propulsion dans l’eau repose principalement sur la queue, contrairement à la région du tronc qui elle facilite la marche.» Pour approfondir les implications de ces changements morphologiques, les chercheurs ont mené une étude expérimentale détaillée de la flexibilité de la colonne vertébrale chez les mammifères terrestres et aquatiques actuels. Les résultats ont démontré une variabilité considérable de la mobilité des articulations vertébrales chez les mammifères aquatiques, en fonction de leur groupe taxonomique et de leur mode de locomotion. Ces différences mettent en évidence la manière dont la colonne vertébrale a été réorganisée pour répondre aux besoins de la vie aquatique.
Une recherche pionnière sur le passage de la terre à la mer
Back2Sea est l’étude la plus complète menée à ce jour sur la colonne vertébrale des mammifères aquatiques , offrant un aperçu sans précédent de leur structure et de leur fonction. Les données biomécaniques relatives à la colonne vertébrale sont extrêmement rares et, jusqu’à présent, son rôle chez les mammifères aquatiques était vague. En recueillant des données fonctionnelles sur huit espèces modèles de mammifères terrestres et aquatiques, l’étude de Back2Sea constitue une avancée de taille dans le domaine, formant une base de données solide qui établit un lien entre la forme des vertèbres et la fonction de la colonne vertébrale chez diverses espèces de mammifères. «En clarifiant la relation entre la structure physique et la fonction chez les mammifères aquatiques vivants, notre étude jette de solides bases pour la compréhension des transitions évolutives complexes de la terre à l’eau», souligne Amandine Gillet. «Ces informations sont précieuses pour l’interprétation de données concernant les fossiles, car elles nous aident à mieux comprendre quand et comment ces transformations extraordinaires se sont produites. Au-delà des implications évolutives, nos résultats concernant la réorganisation de la régionalisation de la colonne vertébrale fournissent d’importants indices concernant les mécanismes moléculaires qui régissent le développement vertébral.»
Mots‑clés
Back2Sea, mammifères, colonne vertébrale, aquatique, eau, transition, terre