Fondements des modèles climatiques intégrant l’évolution darwinienne
Le sol stocke plus de carbone que l’atmosphère terrestre et la biomasse végétale réunies. En tant que plus grande source et plus grand puits de carbone échangé avec l’atmosphère, il s’agit d’un déterminant majeur du climat sur Terre. Les microbes du sol jouent un rôle clé dans cet échange en décomposant la matière organique du sol (MOS). Les microbes s’adaptent et évoluent par des processus tels que la mutation et la dispersion (déplacement et colonisation ailleurs, avec un impact potentiel sur le flux génétique dans l’espace). Les modèles pédologiques mondiaux actuels n’en tiennent pas compte. Avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA), le projet GLOBALECOEVO a entrepris de combler cette lacune, en mettant en lumière l’adaptation microbienne aux changements de la chimie de la litière et son impact sur les émissions de carbone du sol.
Adaptation microbienne à la chimie de la litière à l’échelle microscopique
Les MOS sont principalement constituées de litière végétale, c’est-à-dire de matières végétales mortes tombées au sol. Selon Elsa Abs, boursière MSCA, qui a travaillé avec le superviseur du projet, Philippe Ciais, au sein du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement hébergé par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines: «Au début du projet, j’ai déplacé mon attention de l’humidité du sol vers la chimie de la litière, dont plusieurs études empiriques ont montré qu’elle avait un impact encore plus important sur la décomposition microbienne. La chimie de la litière devrait évoluer avec le changement climatique car, à mesure que la planète se réchauffe, les espèces végétales se déplacent vers des latitudes plus élevées pour trouver la température à laquelle elles sont habituées».
Évolution des microbes du sol, et d’une chercheuse
La bourse MSCA a donné à Elsa Abs l’occasion non seulement de combler une lacune critique dans les modèles climatiques, mais aussi de se développer professionnellement, en ajoutant des outils importants à sa boîte à outils. Elle avait étudié l’évolution microbienne de manière théorique, via un modèle mathématique. Dans le cadre de GLOBALECOEVO, Elle a mis au point un modèle numérique permettant de faire des prévisions et de prendre en considération une complexité beaucoup plus grande. Elle a également appris le langage de programmation Python en utilisant DEMENT, un modèle de simulation numérique libre basé sur des agents. Le modèle d’Elsa Abs a été conçu pour répondre à deux questions essentielles: les différents processus d’adaptation (dispersion et mutation) à la chimie de la litière conduisent-ils à la même adaptation, et l’évolution microbienne par mutation peut-elle contribuer à l’adaptation microbienne au changement climatique. Son objectif ultime était d’intégrer son modèle microbien numérique pionnier intégrant l’évolution dans un modèle de surface terrestre.
Impact de l’évolution microbienne sur les modèles globaux du sol
GLOBALECODEVO a ajouté avec succès l’adaptation/évolution par dispersion et mutation au modèle DEMENT, qui peut désormais modéliser l’adaptation d’une communauté microbienne aux changements de la chimie de la litière et aux changements qui en résultent dans la décomposition des MOS. Cela a conduit à la découverte que les prévisions de dégradation des MOS dépendent du processus d’adaptation qui se produit. «Enfin, j’ai proposé un moyen de simplifier la dynamique complexe de l’évolution microbienne et de l’intégrer aux modèles de la surface terrestre. Je cherche maintenant à vérifier si l’évolution microbienne peut avoir un effet important à l’échelle mondiale», explique Elsa Abs. Elsa Abs savait qu’il serait difficile de convaincre la communauté des modèles climatiques de l’importance de l’évolution microbienne, mais son travail remarquable a bel et bien attiré l’attention de ces chercheurs. Son dernier article en date évalue l’impact potentiel de l’évolution microbienne sur les rétroactions entre le carbone et le climat. La recherche d’Elsa Abs nous rapproche de l’intégration d’un processus biologique fondamental – l’évolution darwinienne – dans les modèles climatiques pour une plus grande précision et une meilleure possibilité d’intervention.
Mots‑clés
GLOBALECOEVO, microbien, sol, évolution microbienne, chimie de la litière, MOS, adaptation microbienne, modèles climatiques, modèle global du sol, microbes du sol, matière organique du sol