De nouvelles perspectives sur la façon dont nous percevons le monde
Les saccades sont des mouvements oculaires rapides et saccadés qui font passer brusquement notre regard d’un point de fixation à un autre. Il s’agit du mouvement le plus rapide produit par le corps humain. «Lorsque nous explorons une scène, nous effectuons constamment des mouvements oculaires saccadés, environ trois par seconde, afin de pouvoir traiter les détails visuels les plus fins», explique Nina Hanning, membre du projet PremotorPerception, de l’université Humboldt de Berlin, en Allemagne. «Comme notre vision périphérique est de plus en plus floue, cette stratégie nous permet de recueillir des informations à haute résolution sur notre environnement, saccade par saccade.»
Percevoir un monde continu et stable
Ce processus séquentiel pose toutefois un défi majeur à notre système visuel. Chaque saccade déplace radicalement l’image sur la rétine. Comment pouvons-nous percevoir un monde continu et stable autour de nous, malgré le flux incessant d’instantanés apparemment non corrélés? Pour répondre à cette question, le projet PremotorPerception a cherché à mieux comprendre certaines des dynamiques perceptives autour des mouvements oculaires saccadés et à tester les régions et les mécanismes cérébraux qui les sous-tendent. Le projet a été soutenu par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie. «Nous avons demandé à des volontaires d’effectuer plusieurs mouvements oculaires – plusieurs milliers en fait – et de distinguer des éléments sur un écran d’ordinateur», explique Nina Hanning. «Par exemple, le motif que vous voyez est-il incliné vers la gauche ou vers la droite?» Une caméra de suivi oculaire à haute résolution a enregistré l’endroit où les volontaires regardaient et le moment où ils le faisaient. L’équipe a ainsi pu reconstituer la façon dont le cerveau ajuste dynamiquement la perception. «Nous avons également utilisé la stimulation magnétique transcrânienne (SMT), une procédure bien établie et sûre qui permet de perturber l’activité d’une région spécifique du cerveau pendant quelques millisecondes», ajoute Nina Hanning. «L’idée était que si la stimulation affecte l’effet perceptif, alors nous pourrions avoir identifié une structure cérébrale cruciale.»
Conséquences perceptives de la préparation des saccades
L’équipe du projet a fait des découvertes intéressantes. «Nous avons pu montrer que notre perception est fortement influencée par les éléments qui structurent la scène», explique Nina Hanning. «Nous avons également démontré que si le mouvement des yeux apporte des avantages sur le plan de la perception, il a aussi un coût. Notre perception au centre de notre regard se détériore, nous rendant presque aveugles au point de fixation chaque fois que nous sommes sur le point de déplacer notre regard.» L’équipe a découvert que les conséquences perceptives de la préparation de la saccade dépendent de la direction de la saccade. Par exemple, les avantages perceptifs typiques au niveau de la cible de la saccade sont fortement réduits avant les saccades vers le haut. En outre, le projet a trouvé une preuve que le cerveau se prépare aux conséquences visuelles des saccades. «Nous avons trouvé des preuves de ce lien de cause à effet en appliquant la SMT aux zones frontales et visuelles pendant la préparation de la saccade», note Nina Hanning. «Cela correspond aux résultats obtenus précédemment chez les primates non humains.»
Mouvements oculaires naturels et libres
Nina Hanning estime que le projet a permis de réaliser des avancées importantes dans le domaine de la perception visuelle. Grâce à ses travaux expérimentaux novateurs, un outil innovant permettant de mesurer la dynamique de la sensibilité autour du champ visuel a été mis au point. Cela pourrait servir non seulement à la poursuite de la recherche, mais aussi à l’établissement de diagnostics cliniques. La découverte que notre perception est nettement réduite à certains endroits – et pour certaines directions de saccade – pourrait également conduire à des interfaces utilisateur mieux conçues et plus sûres. «Nous pensons que le projet PremotorPerception a jeté les bases de l’étude de la dynamique perceptive autour de mouvements oculaires plus naturels et libres», déclare Nina Hanning.
Mots‑clés
PremotorPerception, œil, saccades, vision, clinique, SMT, cerveau