Les microalgues nettoyeuses d’eaux usées: un moyen écologique de fabriquer du bleu
L’UE compte environ 3,2 millions de kilomètres de canalisations d’égout, soit de quoi faire quatre fois l’aller-retour jusqu’à la Lune. La plupart de ces conduites aboutissent à une station d’épuration, où les eaux usées sont rendues salubres avant d’être rejetées dans l’environnement. Les microalgues peuvent jouer un rôle clé dans ce processus, en éliminant les polluants nocifs de l’eau avant d’être récoltées pour être utilisées comme combustibles ou engrais, ou traitées pour en extraire des composés précieux. «La spiruline est susceptible de traiter et d’éliminer un large éventail de nutriments et de polluants des eaux usées, notamment les nitrates, les phosphates et même les métaux lourds», explique le coordinateur du projet, Stijn Van Hulle, du Laboratoire pour le traitement des eaux industrielles et l’écotechnologie de l’université de Gand. «Elle le fait tout en produisant des produits de grande valeur tels que la phycocyanine, un pigment bleu.» Cependant, la récolte et le séchage de la biomasse des micro-algues sont coûteux, ce qui limite la pratique. Le projet WWTBP-by-Microalgae, entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA), visait à valoriser le processus et à élaborer des techniques de récolte améliorées.
Des méthodes de récolte innovantes
Bahram Barati, boursier MSCA, s’est concentré sur l’optimisation des conditions de croissance des microalgues, tout en améliorant leur absorption des polluants et leur production de phycocyanine. Pour relever les défis techniques liés à la récolte des microalgues, il a introduit un processus de traitement en deux étapes. «La récolte est un processus à forte demande énergétique et constitue l’un des principaux défis à relever si nous voulons parvenir à un système de culture à la fois efficace sur le plan énergétique et respectueux de l’environnement», explique-t-il. En collaboration avec Stijn Van Hulle, il a mis au point un nouveau processus d’encapsulation pour Synechococcus, une bactérie photosynthétique très répandue dans l’environnement marin. Les deux chercheurs ont également conçu une méthode innovante à faible consommation d’énergie pour récolter la spiruline, fondée sur la filtration par électrocoagulation. Cela facilite considérablement le processus de récolte, le rendant plus efficace et moins consommateur d’énergie que les méthodes traditionnelles.
Lumière rouge, technologie verte
La voie à suivre n’est toutefois pas sans défis. Les hivers froids en Europe peuvent nuire à la croissance de certaines souches de microalgues, c’est pourquoi l’équipe du projet en teste actuellement d’autres pour vérifier leur efficacité à basse température. Il existe d’autres limites potentielles, notamment la modularité, avec des facteurs tels que le coût, la perception du public et les réglementations relatives à l’utilisation des produits de microalgues issus du traitement des eaux résiduaires dans des secteurs tels que les produits pharmaceutiques, les cosmétiques, les aliments et les compléments nutritionnels. Néanmoins, Bahram Barati met l’accent sur des applications réelles pour des industries telles que les brasseries et la transformation alimentaire. «Dans ces secteurs, notre procédé permettrait de capturer le CO2, de traiter l’eau et d’obtenir des produits de grande valeur.» Le projet a donné des résultats prometteurs jusqu’à présent, particulièrement en ce qui concerne l’optimisation de la croissance de la spiruline. «Nos résultats indiquent que c’est la lumière rouge qui permet la production de biomasse et la productivité pigmentaire les plus élevées», remarque Bahram Barati. En outre, le projet a démontré son efficacité dans le traitement des eaux usées des brasseries. Pour la suite, l’équipe a l’intention de se concentrer sur le développement d’un système sensoriel avancé pour optimiser la concentration de CO2 au cours du processus, ce qui permettrait de maximiser la productivité de la biomasse. Elle testera également des méthodes de conversion thermochimique telles que la carbonisation et la liquéfaction hydrothermales pour faciliter la transformation des digestats en produits de grande valeur tels que le biochar et le pétrole brut biologique. Prévu pour s’achever en septembre 2024, WWTBP-by-Microalgae explorera les options permettant d’introduire son procédé et son produit sur le marché. «Nous avons l’intention d’élaborer un plan d’affaires complet et bien pensé», ajoute Bahram Barati. «Il s’agit notamment de réaliser des études de marché, d’obtenir des protections juridiques, de veiller au respect de la réglementation, de concevoir un modèle d’entreprise, de trouver des financements et d’élaborer un plan de marketing.»
Mots‑clés
WWTBP-by-Microalgae, microalgues, traitement des eaux usées, phycocyanine, spiruline