Des eaux usées domestiques dans votre réservoir d’essence: produire des biocarburants avancés à partir des eaux résiduelles
En 2021, les voitures et fourgons fonctionnant aux combustibles fossiles représentaient 92 % des ventes de véhicules légers au niveau mondial. Donc, malgré l’adoption accélérée des véhicules électriques et hybrides, ils resteront sur les routes pendant encore au moins deux décennies, ce qui est également le cas d’une grande partie de la flotte existante. C’est pourquoi une solution provisoire durable pour des transports plus écologiques est nécessaire. Les biodéchets riches en carbone, tels que les boues d’épuration, constituent une excellente source et un très bon vecteur d’énergie. Il s’agit d’une production renouvelable et locale qui ne connaît pas de frontières géopolitiques. Aujourd’hui, la plupart des déchets sont mis en décharge, incinérés ou utilisés dans l’agriculture. L’Union Européenne souhaite les transformer en énergie. Le projet TO-SYN-FUEL, financé par l’UE, propose une solution. TO-SYN-FUEL et son consortium de 13 membres ont démontré pour la première fois à une échelle précommerciale la possibilité de convertir des boues d’épuration en biocarburants de substitution sur un site décentralisé. Les abondants déchets de nos sanitaires pourraient bientôt alimenter nos voitures plutôt que de s’accumuler dans les décharges.
Les boues d’épuration comme carburant de substitution à l’essence et au diesel
Les biocarburants de première génération sont directement dérivés de cultures riches en amidon comme le maïs, les céréales et le colza. Les biocarburants avancés, ou de deuxième génération, augmentent la durabilité en intégrant dans leur cycle des matières premières telles que les produits résiduels et les déchets des ménages et de l’industrie qui ne sont pas en concurrence directe avec la production alimentaire. «Dans le cadre du projet TO-SYN-FUEL, du pétrole brut a été obtenu via la technologie du reformage thermo-catalytique (TCR®) à partir des boues produites par des stations d’épuration des eaux usées. Ce pétrole brut a ensuite été converti par hydrogénation et distillation en biocarburants qui répondent aux normes européennes relatives à l’essence et au diesel (EN 228 et EN 590, respectivement)», explique Robert Daschner, coordinateur du projet au sein du département des énergies renouvelables de la Fraunhofer. L’essence et le diesel de TO-SYN-FUEL possèdent toutes les propriétés des produits dérivés des combustibles fossiles et peuvent être utilisés directement dans des véhicules non modifiés.
Les biocarburants dérivés des eaux usées à l’essai
De 2017 à 2022, TO-SYN-FUEL a converti plus de 0,5 million de kg de boues d’épuration en environ 50 000 litres d’huile, à partir desquels 40 000 litres d’essence, de diesel et de kérosène peuvent être obtenus. Le financement accordé par l’UE au projet TO-SYN-FUEL a permis à l’équipe d’accroître l’efficacité de son dispositif grâce au couplage de processus énergétiques et thermiques, à l’utilisation de produits intégrés et au changement d’échelle technologique subséquent. Bien que les eaux résiduelles aient été au centre du projet TO-SYN-FUEL, car leur élimination est particulièrement problématique, le procédé élaboré est capable de convertir presque n’importe quelle biomasse, y compris la fraction organique des déchets municipaux, des résidus agricoles et des déchets de jardin, en essence et en gazole. Le biocarburant de TO-SYN-FUEL a été présenté dans toute l’Europe. L’équipe a utilisé une Volkswagen Passat non modifiée pour organiser un voyage en voiture en ne consommant que du biodiesel provenant de l’usine du projet. «TO-SYN-FUEL a démontré pour la première fois à l’échelle industrielle que les matières résiduelles et les déchets biogènes peuvent être convertis en biohuiles liquides thermiquement stables. Nos biocarburants drop-in de haute qualité permettront de remplacer les combustibles fossiles par une large gamme de produits pétrochimiques obtenus à partir de résidus biogènes via des processus de raffinage conventionnels», explique Robert Daschner. L’équipe travaille maintenant à la mise en œuvre de sa technologie pour d’autres matières premières issues de la biomasse.
Les boues d’épuration prêtes à prendre leur envol
Une raffinerie bavaroise prévoit la première utilisation industrielle de cette technologie. Du carburant aviation durable sera produit à partir du traitement de 400 000 tonnes métriques de boues d’épuration (100 000 tonnes métriques de matière sèche) d’ici à 2030, soit environ 40 % du volume total des eaux usées de la Bavière. Les eaux résiduelles «renouvelables» pourraient bientôt alimenter les véhicules terrestres, aériens et maritimes.
Mots‑clés
TO-SYN-FUEL, carburant, eaux usées, biocarburants, biomasse, pétrole brut, raffinerie, transport, reformage thermo-catalytique, traitement des eaux usées