Le CO2 d’une aciérie alimente le secteur maritime en méthanol plus écologique
Identifier des solutions pour réduire les émissions constitue une priorité si l’UE entend atteindre ses objectifs de neutralité climatique (émissions nettes de gaz à effet de serre nulles) à l’horizon 2050. En 2018, le secteur du transport maritime générait environ 3 % des émissions liées à l’activité humaine. La fabrication de l’acier est un processus à forte intensité d’énergie et de carbone. De même, l’industrie sidérurgique est responsable d’environ 5 % des émissions de CO2 de l’Union européenne et de 7 % au niveau mondial. Le projet FReSMe, financé par l’UE, a découvert un procédé pour décarboner ces deux secteurs de manière significative en connectant les émissions de l’un aux apports de l’autre, sans nécessiter de nouveaux équipements ni de nouvelles usines. L’équipe a conçu et optimisé une combinaison de technologies innovante. Le captage du CO2 des gaz émis par les hauts fourneaux des aciéries a été couplé à la production de méthanol par conversion des émissions en liquides (emissions-to-liquids, ETL) afin de produire du carburant destiné à l’industrie du transport maritime.
Coupler le piégeage du CO2 à la production de méthanol
En Europe, la plupart de l’acier est produit par le procédé hauts-fourneaux / convertisseurs à oxygène. Dans les premiers, l’élément Fe contenu dans le minerai de fer est séparé de l’oxygène par une réaction de réduction qui s’appuie principalement sur le coke de charbon en tant qu’agent réducteur. Il en résulte qu’en plus de l’acier, ce processus génère d’importantes quantités de gaz résiduel appelé «gaz de haut fourneau» contenant du monoxyde de carbone, du CO2 et de l’hydrogène (H2). Les plans de réduction des émissions du secteur de l’acier mettent de plus en plus l’accent sur le remplacement de ces procédés par de nouvelles usines sidérurgiques qui utilisent la réduction directe du fer à l’aide de l’H2. Toutefois, une telle transition exige du temps et de l’argent. FReSMe s’est intéressé au procédé SEWGS (sorption-enhanced water-gas shift ou réaction du gaz à l’eau améliorée par sorption) pour le piégeage du CO2 et la production de H2, développé il y a une dizaine d’années en grande partie dans le cadre de deux précédents projets financés par l’UE: (CACHET et CAESAR). L’équipe du projet a démontré avec succès que la technologie SEWGS était particulièrement bien adaptée au piégeage du carbone dans les processus de production d’acier. L’étape suivante consistait à recycler ce CO2. Le méthanol est un produit chimique polyvalent, à faible teneur en carbone et riche en hydrogène, aujourd’hui principalement produit à partir de combustibles fossiles. Pour valoriser les grandes quantités de CO2 capturées et produire du méthanol, il était nécessaire d’augmenter la part de H2. «Le flux d’H2 pur obtenu à partir de l’unité de piégeage SEWGS a été combiné avec de l’H2 renouvelable produit par électrolyse de l’eau. Le H2 a réagi avec le CO2 capturé dans l’unité ETL pour produire du méthanol à faible teneur en carbone, un carburant propre qui répond aux réglementations les plus strictes en matière d’émissions», explique David Cuesta Pardo, coordinateur du projet chez NTT DATA.
Transformer le gaz de haut fourneau de l’industrie sidérurgique en méthanol pour l’industrie maritime
Le méthanol de FReSMe a été utilisé avec succès pour alimenter un cargo roulier qui assurait la liaison entre Göteborg en Suède et Kiel en Allemagne, démontrant ainsi que le CO2 peut être recyclé et contribuer à la fois à la réduction de la demande en combustibles fossiles et des émissions de gaz à effet de serre. «Sans le soutien financier de l’UE pour piloter des procédés innovants et encourager le transfert de technologies, de nombreuses innovations n’auraient pas d’impact significatif. Grâce au financement européen accordé au programme FReSMe, les technologies SEWGS et ETL se sont parfaitement comportées avec les mélanges complexes de gaz de haut fourneau et sont sur le point d’être déployées à grande échelle», conclut David Cuesta Pardo. La polyvalence de SEWGS est par ailleurs en passe d’être démontrée avec la production d’ammoniac à partir de gaz de haut fourneau, et le processus est prêt à être transposé à une plus grande échelle. La technologie ETL a atteint le stade commercial et les premières usines viennent d’entrer en service. Le projet a confirmé la pertinence de la circularité et de la symbiose industrielle pour contribuer à la décarbonation d’un pan important de l’économie.
Mots‑clés
FReSMe, acier, CO2, méthanol, H2, SEWGS, transport maritime, gaz de haut fourneau, ETL, piégeage du CO2, émissions vers les liquides, sorption-enhanced water gas shift