Un béton de nouvelle génération pour une construction marine plus durable
Pour éviter la détérioration rapide des infrastructures côtières, responsable de milliards d’euros de réparations annuelles, les matériaux doivent être solides et résilients. De plus, en adhérant aux préoccupations climatiques, ils devraient être durables et produire peu de déchets, tout en restant compétitifs. Le béton à ultra-hautes performances/à ultra-haute durabilité (BUHP/BUHD) répondant à ces critères, il est de plus en plus utilisé par l’industrie. «Le problème est qu’il est souvent adopté parce que facilement disponible, ce qui signifie que des matériaux locaux peuvent être négligés alors qu’ils sont plus adaptés à la durabilité globale», explique Liberato Ferrara, coordinateur du projet ReSHEALience, financé par l’UE. Le consortium du projet a validé une méthodologie qui permet aux ingénieurs d’améliorer les projets d’infrastructure en leur donnant accès à des «recettes» fiables et reproductibles de BUHP/BUHD. Il a également développé une méthodologie de conception basée sur la durabilité afin de prédire les performances à long terme.
Construire mieux, plus durable, avec moins
En raison de leurs scénarios d’exploitation difficiles, et donc du potentiel d’avantages à fort impact, ReSHEALience s’est concentré sur les constructions dans des environnements marins et chimiquement agressifs. Le projet a mis à l’essai une gamme de mélanges de béton, incluant l’utilisation de laitier granulé de haut fourneau broyé (GGBS) comme liant pour réduire l’empreinte carbone. La clé des recettes du projet était le renforcement par fibres, qui conférait aux structures la robustesse nécessaire. Les propriétés d’autoréparation grâce à la synergie d’adjuvants cristallins et de nanomatériaux, notamment des nanofibres d’alumine et des nanocristaux de cellulose, étaient particulièrement intéressantes. Les matériaux ont été testés pour vérifier leur résistance à des expositions agressives, par exemple aux chlorures ou aux acides. Pour ce faire, l’équipe a fait appel à la modélisation multiphysique, qui lui a permis d’étudier les microstructures de ses recettes d’un point de vue mécanique et chimique. Compte tenu de la rareté des données d’entrée disponibles dans ce domaine naissant, le modèle a utilisé l’intelligence artificielle de la «logique floue», «pour transformer les données brutes en connaissances», ajoute Liberato Ferrara. Une fois les mélanges optimaux déterminés pour les scénarios concernés, l’équipe a procédé à six essais pilotes. Deux concernaient des bassins géothermiques à base de BUHD en Italie. Se trouvant dans l’eau et la boue, ils subissent des attaques mécaniques et acides. Un troisième consistait en un radeau à moules pour aquaculture de 540 m2 en Espagne, destiné à subir des microfissures, afin de permettre l’évaluation de l’autoréparation. Un quatrième était la maquette d’une plateforme flottante pour des éoliennes en mer en Espagne, fabriquée en BUHD et conçue pour résister aux actions des vagues et aux attaques du chlore. Un cinquième était une série de pontons flottants préfabriqués en textile de carbone au large de la côte irlandaise, conçus pour les basses températures. Enfin, le château d’eau endommagé d’un abattoir civil a été restauré à Malte, grâce aux technologies à base de BUHD.
L’innovation au service de la conservation
Si tous les essais pilotes ont démontré la robustesse des matériaux à l’échelle réelle, Liberato Ferrara est particulièrement fier du dernier essai pilote. «Le château d’eau maltais en béton avait été correctement construit dans la première moitié du 20e siècle, mais il était fortement dégradé par l’air riche en chlorure et érodé par le sable transporté par l’air. Nous avons réussi à le restaurer, tout en respectant l’original, comme un acte de conservation du patrimoine industriel», précise-t-il. En effet, le château d’eau a désormais le statut de monument national de grade 1 et la restauration a reçu une mention spéciale à l’édition 2021 des Malta Architecture and Spatial Planning Awards.
Cultiver un état d’esprit holistique
Alors que certaines des constructions de ReSHEALience sont opérationnelles sur le plan commercial, si le BUHD se révèle révolutionnaire, le partage des connaissances est tout aussi important que les nouveaux matériaux. «Non seulement nos recettes de béton sont disponibles en accès libre, mais chaque essai pilote a impliqué des universités et, dans la mesure du possible, nous avons offert des possibilités de formation», déclare Liberato Ferrara. «L’avenir a besoin de mentalités holistiques, capables de combiner dès le départ les principes de conception, de construction et de recyclage. Cela pourrait révolutionner certaines professions.» L’équipe travaille maintenant avec les membres du consortium à la promotion et à la concrétisation de cette transformation.
Mots‑clés
ReSHEALience, béton, infrastructure, chlore, acide, marin, construction, durabilité, autoréparation, durabilité, côtier