Un bioréacteur innovant pour un traitement anaérobie efficace des eaux de cale
Les eaux de cale des navires sont un mélange d’eau de mer et de liquides résiduels tels que des carburants, des détergents, des particules solides et des huiles. Le déversement de ces résidus hydrocarbures dans les milieux marins est interdit par les réglementations de MARPOL.aspx (l’Organisation maritime internationale) et par la législation européenne; différentes méthodes sont donc utilisées pour traiter ces eaux de cale. Celles-ci incluent notamment la séparation par membrane, l’électrocoagulation, la centrifugation et l’utilisation d’agents chimiques. Cependant, ces méthodes, nonobstant leurs coûts élevés, génèrent souvent une pollution secondaire. Le traitement biologique anaérobie étant plus durable, le projet ElectroSAnMBR, soutenu par l’UE, a découvert que les composés organiques présents dans les eaux de cale inhibent les micro-organismes anaérobies, en particulier les méthanogènes, réduisant ainsi leurs performances. ElectroSAnMBR a développé une technologie innovante qui intègre une cellule d’électrolyse (CE) à chambre unique à l’intérieur d’un bioréacteur anaérobie à membrane immergée (SAnMBR), appelé e-SAnMBR. «Comme les membranes retiennent la biomasse anaérobie, au lieu d’être lessivés, les micro-organismes, y compris les méthanogènes, s’adaptent aux eaux usées récalcitrantes, devenant effectivement inoculés, et restent donc actifs», explique Ioannis Vyrides, coordinateur du projet. Cet effet de la CE a été démontré par deux bioréacteurs pilotes.
Cellule d’électrolyse microbienne – bioréacteur anaérobie
Le bioréacteur anaérobie d’e-SAnMBR se compose de deux électrodes. L’anode aide à créer des conditions micro-aérobies, contribuant à la biodégradation des composés dits récalcitrants, ceux qui sont difficiles à biodégrader; la cathode contribue à produire de l’hydrogène, puis les micro-organismes convertissent le dioxyde de carbone en méthane. L’e-SAnMBR contient également une membrane de microfiltration immergée qui retient les micro-organismes et les matières organiques. Pour créer ce système électrochimique, l’équipe a d’abord testé l’interaction entre l’eau de cale et la biomasse qui contient les micro-organismes anaérobies biodégradants, en l’occurrence les boues granulaires. Le diamètre des granules de biomasse e-SAnMBR étant généralement supérieur à 500 micromètres, l’oxygène ne pouvait pas pénétrer assez profondément pour que les méthanogènes présents dans les granules contribuent à créer les conditions aérobies nécessaires. «Par bonheur, nous avons découvert que l’ajout de la cellule d’électrolyse microbienne (CEM) aux boues permettait au bioréacteur de produire l’hydrogène et l’oxygène nécessaires aux conditions micro-aérobies, accélérant ainsi la biodégradation des composés récalcitrants», explique Ioannis Vyrides. Deux bioréacteurs pilotes ont été exploités pendant trois mois sur cinq cycles expérimentaux. e-SAnMBR contenait une membrane et des électrodes en acier inoxydable sous une tension d’un volt, tandis que SAnMBR ne contenait qu’une membrane. Les deux SAnMBR ont affiché des taux d’élimination des composés organiques relativement élevés – appelés taux d’élimination de la DCO – d’environ 75 %, lorsqu’ils ont fonctionné à un temps de rétention hydraulique (TRH) élevé d’environ 12 jours – c’est-à-dire le temps total pendant lequel l’eau de cale reste à l’intérieur du bioréacteur. Cependant, sous un TRH plus court (environ 4 jours), l’e-SAnMBR a affiché un taux d’élimination de la DCO d’environ 50 %, avec environ 40 % pour le SAnMBR. Bien que la membrane de microfiltration immergée dans les deux bioréacteurs n’a contribué qu’à environ 10-15 % d’élimination de la DCO, les effluents étaient alors exempts de particules.
Opportunités futures
La directive européenne 2000/59/CE stipule que les navires de plus de 400 tonnes doivent séparer les hydrocarbures de l’eau, en rejetant l’eau à la mer, les effluents restants, inférieurs à 15 g/L, devant être traités à terre. Les navires de moins de 400 tonnes doivent conserver l’eau de cale à bord pour la traiter dans les installations portuaires. L’e-SAnMBR pourrait être installé sur les navires afin de prétraiter les eaux de cale, réduisant ainsi le volume traité en mer. «De plus, étant donné que le biofilm de l’anode biodégrade partiellement l’eau de cale et que l’eau de cale non diluée inhibe la méthanogénèse à de faibles TRH, nous pourrions produire de l’hydrogène comme gaz final de la cathode – une source d’énergie renouvelable précieuse, au lieu du méthane, un gaz à effet de serre», ajoute Ioannis Vyrides. Cela signifie que le système pourrait fonctionner à un faible TRH, inférieur à 24 heures, sans nécessiter de produits chimiques supplémentaires, et traiter efficacement les eaux de cale tout en produisant de l’hydrogène. Ecofuel Cyprus teste actuellement l’e-SAnMBR. Cette recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie.
Mots‑clés
ElectroSAnMBR, bioréacteur, biodégradation, cale, navire, méthanogènes, microorganisme, hydrogène, méthane, cellule d’électrolyse, biomasse, composé récalcitrant