Un rover, une mission: faciliter la vie future sur la Lune
En 2018, CORDIS a expliqué comment le projet LUVMI avait conçu un nouveau type de rover léger d’exploration lunaire. Peu de temps après la découverte d’eau gelée dans des cratères lunaires ombragés, une équipe de chercheurs dirigée par Space Application Services avait construit le premier prototype de rover capable d’explorer les cratères de la Lune à la recherche de glace. À terme, le projet devrait être chargé de localiser ce dont les futurs explorateurs auront besoin pour établir une colonie durable sur la Lune. Trois ans plus tard, le développement du nouveau rover se poursuit grâce au soutien de l’UE dans le cadre du projet de suivi LUVMI-X (LUVMI-Extended). Le rover de 2018 a beaucoup changé. Il est désormais équipé de nouveaux instruments lui permettant de détecter les substances volatiles dans des endroits éloignés, d’étudier l’environnement lunaire et ses effets sur la santé humaine, ainsi que de mesurer l’usage des ressources locales. Jeremi Gancet, coordinateur du projet, a accepté de répondre à quelques questions sur les nouveautés du rover et sur ce qu’il reste à faire avant qu’il puisse enfin s’élancer vers la Lune.
Cela fait plus de 40 ans que l’homme est allé sur la lune. Comment se fait-il qu’il nous reste encore tant de choses à comprendre en ce qui concerne ses ressources, son environnement et la possibilité d’y vivre?
Jeremi Gancet: Les exploits des missions Apollo, il y a un demi-siècle, ont été extraordinaires, mais il subsiste effectivement d’énormes lacunes dans notre connaissance et notre compréhension de la géologie de la Lune et des conditions ambiantes qui y règnent. Les astronautes d’Apollo ont passé un total de trois jours et demi (répartis sur six missions) sur la surface lunaire et ont réalisé autant de travaux scientifiques que possible au cours de ce laps de temps limité, avec les technologies disponibles à l’époque. Nous avons beaucoup appris, mais ce n’était qu’un point de départ. Aujourd’hui encore, on ignore bien plus de choses qu’on en connaît à propos de la Lune! Plusieurs sondes orbitales ont récemment permis d’analyser les caractéristiques géologiques de la Lune et apporté des preuves de la présence de substances volatiles (glace d’eau) dans les régions polaires et certains cratères lunaires. L’exploitation de ce type de ressources pourrait changer la donne en matière d’exploration spatiale. Au cours des dix dernières années, nous avons assisté à une sorte de «renaissance de l’exploration lunaire», les puissances spatiales manifestant un intérêt croissant pour un retour sur la Lune. Ce phénomène a également été favorisé par l’essor d’acteurs privés proposant des solutions compétitives pour faire voler et atterrir des engins spatiaux: dans quelques années, il sera possible de renvoyer des humains sur la surface lunaire pour un coût nettement inférieur à celui du programme Apollo. Voilà qui nous amène au concept LUVMI-X. Les solutions robotiques telles que les rovers lunaires permettent de transporter et de déployer des capteurs dans des zones prometteuses, à des kilomètres des sites d’atterrissage. C’est justement à cela que nous aspirons, avec une «solution de mobilité» abordable, capable de transporter et de déployer divers instruments scientifiques dans les endroits éloignés où les retombées sont censées être les plus intéressantes en termes de science.
Des rovers sont actuellement développés dans le monde entier. En quoi LUVMI-X se distingue-t-il?
LUVMI-X comprend à la fois des instruments innovants pour la science lunaire et le rover lui-même, qui peut transporter et faire fonctionner ces instruments dans des endroits appropriés. Notre rover peut accueillir toute une sélection de capteurs permettant de répondre aux questions considérées comme prioritaires par la communauté scientifique. Les substances volatiles, en particulier, présentent un intérêt crucial: nous devons encore répondre à des questions essentielles liées à leur distribution géographique, leur composition, la profondeur à laquelle on peut les trouver, etc. Le rover LUVMI-X est une plateforme plutôt petite qui pèse moins de 90 kg en comptant l’ensemble des charges utiles embarquées. Il est très mobile – il peut rouler sur des rochers mesurant jusqu’à 30 cm de haut – et offre une solution standardisée pour accueillir des charges utiles scientifiques. Le rover LUVMI-X peut accueillir des instruments de trois manières différentes: en tant que charges utiles fixes, largables ou projetables (jusqu’à 50 m du rover). Grâce à ce concept, nous espérons que LUVMI-X puisse répondre à la demande et aux attentes de nombreux scientifiques, et rendre ainsi la Lune plus accessible à la science.
Vous avez également proposé des idées créatives destinées à un public plus large, notamment une simulation et un tutoriel concernant la construction d’un rover. Qu’espérez-vous obtenir avec ces concepts?
Ces outils peuvent aider les gens à mieux comprendre les défis posés par les missions lunaires, les technologies impliquées et la contribution que LUVMI-X peut apporter. L’exploration spatiale et lunaire constitue un sujet idéal pour stimuler l’imagination et susciter l’intérêt du grand public, en particulier des jeunes. Certains partenaires de LUVMI-X sont particulièrement désireux de faire de LUVMI-X un instrument éducatif. L’Open University a par exemple mis au point un support pédagogique complet pour les élèves du primaire et du secondaire, qui devrait bientôt être largement diffusé sur notre site web et sur d’autres canaux.
Selon vous, quels ont été les résultats les plus importants du projet jusqu’à présent?
Nous sommes à un moment charnière du projet, nos partenaires se consacrant à la fabrication et aux essais des différents composants de LUVMI-X. À ce stade, disposer de l’ensemble des instruments de LUVMI-X et avoir terminé la conception de la plateforme du rover constitue déjà une réussite pour nous, surtout en tenant compte de tous les obstacles liés à la COVID-19. Nous avons souffert de la restriction des accès aux laboratoires, de l’impossibilité de voyager et de nous retrouver, des retards dans la fabrication des pièces, etc. L’intégration des contributions des partenaires au rover LUVMI-X représente la prochaine étape majeure, qui devrait nous permettre de procéder à la campagne de test finale dans des sites «analogues», c’est-à-dire dans des zones extérieures (naturelles) ou intérieures (artificielles) présentant certaines similitudes avec l’environnement lunaire.
Que va-t-il se passer ensuite? Quand allez-vous envoyer-vous votre rover sur la Lune?
À la fin du projet, en octobre 2021, nous disposerons d’une conception préliminaire de la version de vol ainsi que d’un modèle de terrain testé sur des sites pertinents. Mais il reste encore un certain délai de maturation avant que LUVMI-X ne soit vraiment prêt à voler: la conception générale du modèle de vol doit être affinée et les composants très coûteux qui offrent une qualité adaptée au vol doivent être obtenus. Une fois tout cela terminé, l’ensemble de la plateforme devra subir une batterie complète de tests de qualification, notamment thermiques, vibratoires et sous vide. Le processus de maturation global est exigeant et coûteux, et s’étendra probablement sur trois à quatre ans, après la fin du projet LUVMI-X. Nous espérons que le premier rover LUVMI-X puisse s’envoler vers la Lune d’ici 2025!
Quels résultats à long terme attendez-vous de ce projet?
Le concept LUVMI-X comprend des instruments qui aideront à caractériser les propriétés du sol lunaire et son exposition aux radiations, à identifier la composition et l’abondance des substances volatiles… Les retombées scientifiques seront considérables si LUVMI-X parvient effectivement à passer à l’étape suivante. Ces résultats scientifiques devraient nous aider à mieux comprendre la géologie et l’histoire de la Lune, ainsi qu’à préparer le retour de l’homme à sa surface. Ils devraient également favoriser le développement de technologies permettant d’utiliser les ressources locales – en vue d’établir une présence humaine sur la Lune, bien sûr, mais aussi en prévision d’une exploration spatiale plus lointaine.
Mots‑clés
LUVMI-X, LUVMI, rover, exploration spatiale, Lune, volatiles, eau