Lutter contre les agents pathogènes mortels en bloquant leur absorption de vitamines
Les microorganismes dangereux à l’origine de nombreuses infections développent la capacité de résister aux traitements antimicrobiens, en particulier les antibiotiques. Chaque année, la résistance aux antimicrobiens (RAM) serait directement responsable de 25 000 décès dans l’UE pour un coût annuel de 1,5 milliard d’euros. Dans sa quête de nouveaux antibiotiques, le projet VitaminBlock, soutenu par le CER, entendait trouver des points faibles à exploiter dans les cellules bactériennes. L’équipe a identifié et caractérisé des complexes protéiques membranaires qu’on ne trouve que chez les bactéries. Ils servent d’intermédiaire dans l’absorption de différentes vitamines de type B indispensables à la croissance de la bactérie. «Nous savons comment ces complexes protéiques catalysent l’absorption de vitamines essentielles. Pour certains agents pathogènes, nous avons déjà des indications de cibles potentielles», déclare Dirk Slotboom, coordinateur du projet, de l’Université de Groningue, qui a hébergé le projet. «En s’appuyant sur nos structures cristallines révolutionnaires, nous avons conçu et synthétisé de petites molécules destinées à inhiber l’absorption de vitamines par les bactéries.»
Une clé dans les travaux
La nouvelle approche adoptée par VitaminBlock consistait à identifier et à étudier un processus essentiel pour la survie des bactéries qui, s’il était supprimé, serait susceptible de mettre un terme à la propagation de l’infection. Pour les bactéries à gram positif, comme le staphylocoque doré et le pneumocoque, l’équipe a déterminé les seules protéines qui permettent aux bactéries d’absorber des vitamines. Sans ces vitamines, les agents pathogènes mourraient. Après avoir identifié les composants moléculaires de ces cellules bactériennes, dans ce cas, une catégorie de protéines appelées transporteurs ECF, les chercheurs ont veillé à ce que des protéines similaires ne soient pas aussi utilisées par les cellules humaines, car cela pourrait éventuellement augmenter le risque d’effets secondaires. «Heureusement, nous avons découvert que les transporteurs ECF ne se trouvent que dans un ensemble limité de bactéries. Notre objectif consiste à trouver des antibiotiques qui affectent des agents pathogènes spécifiques, et non les “bonnes” bactéries de notre microbiome», explique Dirk Slotboom. L’équipe a créé des modèles cristallins en 3D de ces transporteurs ECF. Les structures cristallines permettent généralement d’offrir un aperçu détaillé de l’architecture atomique des biomolécules, comme les protéines. En aidant les chercheurs à mieux comprendre les propriétés mécaniques des fonctions des protéines, elles peuvent servir de modèles pour créer de petites molécules thérapeutiques. L’équipe a identifié plusieurs catégories de petites molécules qui inhibent la fonction de transport des vitamines des transporteurs ECF. «Nous avons conçu des petits composés moléculaires qui empêchaient la protéine cible d’absorber des vitamines», ajoute Dirk Slotboom. «Nous émettons l’hypothèse que ces molécules bloquent, au sein des protéines, les mouvements essentiels à l’apport de vitamines dans la cellule bactérienne depuis l’environnement extérieur.» L’équipe a testé des dizaines de petits composés moléculaires afin de trouver les plus puissants. Bien que ces composés sélectionnés développent effectivement la puissance, d’autres travaux sont nécessaires pour l’augmenter.
Une course contre la montre
Lutter contre la RAM est une priorité sanitaire mondiale selon l’Organisation mondiale de la santé. De nouveaux antibiotiques sont attendus avec impatience, non seulement pour lutter contre les maladies infectieuses, mais aussi pour poursuivre en toute sécurité les procédures médicales comme la chirurgie et la chimiothérapie. Alors que le monde commence à manquer d’antibiotiques, il est indispensable de poursuivre leur développement pour garder une longueur d’avance sur la résistance émergente, et de maintenir d’autres mesures comme l’utilisation judicieuse des antibiotiques existants. Pourtant, l’incertitude liée aux rendements financiers ne motive pas les entreprises pharmaceutiques à développer des antibiotiques onéreux. Savoir que la résistance aux médicaments reviendra au fil du temps dissuade également les investissements. «Encourager la recherche dans ce domaine demande un effort continu. Un financement structurel est nécessaire et, dans notre cas, davantage de financement nous permettra d’améliorer l’efficacité de nos molécules initiales, et de trouver de nouvelles cibles pour les antibiotiques», conclut Dirk Slotboom.
Mots‑clés
VitaminBlock, résistance aux antibiotiques, bactéries, agent pathogène, vitamines de type B, microorganisme, molécules, maladie infectieuse, modèles cristallins en 3D, transporteurs ECF, complexes protéiques