Le quinoa, une solution pour déverrouiller la production des sols salins
La plupart des plantes, et notamment les cultures commerciales, sont incapables de survivre sur des sols salins. Heureusement, les halophytes constituent un groupe de plantes qui s’épanouit non seulement dans des concentrations salines dangereuses pour la plupart des autres espèces à fleurs, mais qui présente également une tolérance combinée à d’autres stress environnementaux, dans la mesure où leurs habitats traditionnels sont généralement soumis à des inondations, des sécheresses et de fortes températures. Le projet HALO, financé par l’UE, a étudié le quinoa (Chenopodium quinoa), une espèce halophyte originaire du Pérou, afin de comprendre la manière dont ces plantes s’adaptent à des environnements salins. «Nous nous sommes intéressés aux structures externes spécialisées et uniques en forme de poil (trichome) appelées cellules épidermiques vésiculaires, qui absorbent l’excès de sel pour préserver les sites sensibles présents dans les feuilles» indique Nadia Bazihizina, titulaire de la bourse de recherche Marie Skłodowska-Curie.
Une découverte inattendue
Les chercheurs souhaitaient avant tout comprendre le processus de séquestration du sel au sein des vésicules. «Les cellules de la tige représentent les contrôleurs des ions intracellulaires clés entre les cellules épidermiques et les cellules vésiculaires, et à ce titre, nous avons caractérisé les flux d’ions clés (chlorure (Cl-), potassium (K+) et sodium (Na+)), puis utilisé des transcriptomes comparateurs afin de mettre en évidence les gènes transporteurs impliqués dans l’acheminement des ions vers ces cellules. Nous avons également cherché à savoir si les vésicules épidermiques salines définissaient exclusivement le niveau de tolérance au sel du quinoa ou s’il fallait prendre en compte d’autres caractères fondamentaux de la plante» explique Nadia Bazihizina. Lorsque les chercheurs ont caractérisé les transporteurs impliqués dans les mouvements de sel au sein des vésicules, ils ont été surpris de trouver que le quinoa transportait énormément de CI- (un ion important présent dans les sols salins auquel aucune étude saline ne s’était intéressée jusqu’ici), bien davantage que de Na+. Comprendre la manière dont les transporteurs contrôlent la séquestration à l’extérieur des tissus végétaux métaboliquement actifs pourra servir aux phytogénéticiens pour sélectionner les lignées exprimant ces transporteurs chez les espèces très proches des halophytes (les cultures telles que les épinards, la betterave à sucre, la blette). Ils pourront également exprimer ces transporteurs dans des trichomes épidermiques similaires présents dans les cultures céréalières traditionnelles.
Des avantages importants
HALO permettra en définitive d’apporter des connaissances fondamentales sur la croissance des plantes dans les environnements salins, ce qui contribuera à expliquer la manière dont le sel est transporté vers les vésicules et aidera à déterminer de nouvelles caractéristiques génétiques susceptibles d’être ciblées au cours des programmes de sélection. En outre, la compréhension des influences des cellules épidermiques vésiculaires sur la tolérance générale au sel du quinoa aidera les scientifiques à développer de nouvelles méthodes pour générer des récoltes à plus haut rendement en milieu salin. Avec un climat de plus en plus incertain, ces plantes permettraient de garantir des rendements plus stables et aideraient à économiser nos précieuses ressources en eau. L’importance de ces problématiques, de la question épineuse de la salinité aux potentiels avantages que peuvent apporter les halophytes à la société, est actuellement encore sous-estimée par la communauté dans son ensemble; le projet HALO ainsi que la diffusion de ses travaux et de ses résultats sont donc d’une importance capitale. Travailler avec des plantes qui aiment le sel comme les halophytes est une piste potentielle extrêmement prometteuse. «Ces organismes apportent de nouvelles solutions à des problèmes anciens et posent de nombreuses autres questions qui devraient nous guider dans notre quête d’une utilisation durable de ressources marginales et plus salines, que ce soit pour le sol et pour l’eau, ce qui permettrait de réduire la pression sur les “bonnes ressources” limitées dans lesquelles nous puisons pour la consommation humaine» note Nadia Bazihizina.
Mots‑clés
HALO, salin, cultures, halophyte, cellules vésiculaires, cellules de la tige, Chenopodium quinoa, transport des ions