Surveillance et prévention de la contamination d’origine hydrique dans les habitats spatiaux
Dans le domaine spatial, l’une des difficultés inhérentes aux méthodes actuelles de décontamination est lié au fait que les activités de surveillance et de prévention soient menées séparément. Cela pose problème car renvoyer des échantillons sur Terre pour procéder à leur analyse puis à leur désinfection n’est pas une option viable. BIOWYSE, un projet financé par l’UE dans le cadre des actions de recherche et d’innovation, a mis au point et présenté un système compact qui effectue à la fois une surveillance en temps réel des micro-organismes et une désinfection quasi instantanée par UV, ne générant aucun sous-produit nocif. Le projet a défini plusieurs paramètres de qualité de l’eau à partir de données portant sur la présence de molécules d'adénosine triphosphate ATP (indiquant la présence de microbes et donc d’une contamination) mises en corrélation avec d'autres informations obtenues grâce à différentes techniques. Les équipes BIOWYSE ont été les premières au monde à présenter des preuves scientifiques établissant qu’il était possible de confirmer les effets des UV sur la contamination microbiologique en effectuant une surveillance des ATP.
Le système intégré
Le matériel BIOWYSE (la «plaquette d'expérimentation») a démontré l'efficacité conjointe des différentes technologies au point où l’eau entrante est conservée dans le module de prévention (un réservoir dont la surface interne est enduite pour empêcher l’accumulation de microbes lors du stockage temporaire). L’eau s’écoule ensuite dans le module de surveillance pour être analysée par bioluminescence afin de détecter la présence éventuelle de biomasse (ce qui s’applique à la fois aux échantillons d’eau et de surface). Si un certain seuil est atteint, une désinfection par UV est alors effectuée dans le module de décontamination afin de rendre les microbes inoffensifs et de les ramener à un niveau propre à la consommation. Puis l'eau est dirigée vers la sortie, par exemple vers un sac-gourde personnel. Les modules de contrôle et de service assurent le bon fonctionnement de l’ensemble du système. Les tests du dispositif ont duré près de deux ans, en laboratoire et sur le terrain. Les échantillons d’eau utilisés pour tester et étalonner le système allaient de l’eau stérile à celle du robinet, et ont même inclus de l’eau du robinet souillée suite à un séjour de plusieurs semaines dans un réservoir. Lors des essais sur le terrain, des eaux provenant de grottes et de rivières ont également été analysées. En outre, les résultats de l’expérience VIABLE ISS (portant sur des matériaux restés sur l’ISS pendant des mois puis comparés, en termes de croissance microbienne, avec des échantillons de référence terrestres) ont été utilisés pour déterminer la composition idéale du revêtement du réservoir du module de prévention, afin d’éviter toute prolifération microbienne. «Considérez BIOWYSE comme une fontaine réfrigérée avancée et intelligente. Bien qu’une surveillance hors culture de la présence de micro-organismes – qui implique que vous savez si quelque chose est présent, mais que vous ne savez pas quoi – ne corresponde pas à l’approche habituellement adoptée dans le domaine spatial, le fait de n'avoir recours à aucun test complexe pour identifier chaque agent pathogène et d'enchainer quasi instantanément avec une désinfection aux UV la rend extrêmement efficace», déclare M. Emmanouil Detsis, coordinateur du projet. L’assemblage compact de BIOWYSE a été conçu pour permettre une installation directe dans le tiroir «rack» approprié à bord de l’ISS.
Un peu plus loin en aval
Les travaux de BIOWYSE ont déjà permis d'obtenir un brevet pour l’échantillonnage efficace des surfaces humides des stations spatiales, détenu conjointement par les membres du consortium Thales Alenia Space Italia et par GL Biocontrol, une PME française spécialisée dans la surveillance de la qualité des eaux mais sans expérience préalable dans le domaine spatial. Par ailleurs, AquiSense Technologies, le partenaire qui a conçu le système de désinfection par UV et qui n’avait jusqu’ici aucun client dans le domaine spatial, se retrouve maintenant fournisseur principal de lampes UV dans ce secteur – produisant des LED UV surpassant toute utilisation commerciale antérieure dans des réacteurs à eau à LED UV de petite taille. BIOWYSE a su garder en tête les besoins des futurs habitats spatiaux. Il faudra en effet que les missions lunaires et martiennes soient extrêmement indépendantes de la Terre, l’eau devant probablement être stockée en attendant l’arrivée des équipages. «Désormais, l’objectif principal consiste à construire un système pouvant être transporté jusqu’à la station spatiale. Nous sommes donc à la recherche d’opportunités de vol avec l’Agence spatiale européenne et les agences nationales», indique M. Detsis.
Mots‑clés
BIOWYSE, espace, biocontamination, ISS, eau, habitat, UV, Lune, Mars, Terre, désinfection, humide