Des propulseurs de haute puissance pour les futurs vols spatiaux
Les méthodes traditionnelles de propulsion chimique, qui reposent sur la combustion de carburant pour générer une poussée, sont progressivement éclipsées par les systèmes de propulsion électrique (SPE), en particulier ceux basés sur les propulseurs à effet Hall. Exploitant un champ électromagnétique pour ioniser et accélérer un gaz, les SPE apportent une substantielle amélioration de l’impulsion spécifique par rapport à leurs homologues chimiques, ce qui confère aux engins spatiaux un avantage considérable en termes de masse.
Vers des systèmes de propulsion électrique de haute puissance
Après d’intenses travaux de recherche et développement, la propulsion électrique est devenue une réalité, et des systèmes de faible puissance sont déjà utilisés dans le cadre de diverses missions spatiales. Toutefois, la demande de propulseurs de grande puissance augmente, induite par les besoins des futures missions d’exploration et de transport spatiaux, et par le déploiement de plateformes de service polyvalentes telles que le remorqueur spatial pour l’entretien en orbite et l’enlèvement des débris. Les SPE de haute puissance, en particulier ceux de la classe des 20 kW, sont essentiels à ces plateformes, car ils constituent l’équilibre idéal entre la flexibilité opérationnelle et le rapport poussée/puissance. La qualification de ces systèmes avancés pour une utilisation dans l’espace a été entravée par des coûts prohibitifs et de très longues durées de tests. Le projet ASPIRE financé par l’UE a voulu surmonter ces défis par le biais d’une avancée considérable de la maturité de la technologie et d’une stratégie de qualification alternative. En réalisant un essai de couplage au niveau du système, puis en intégrant une modélisation numérique avancée à des campagnes d’essais ciblées, la stratégie d’ASPIRE consistait à proposer une voie rentable et méthodique pour le développement et la qualification de systèmes de propulseurs à effet Hall de haute puissance.
Des résultats sans précédent pour les essais de propulseurs
L’équipe a tout d’abord étudié divers scénarios d’application susceptibles de bénéficier de ces puissants SPE, en établissant des exigences de haut niveau. En s’appuyant sur l’expérience acquise lors de leurs travaux portant sur des SPE de moindre puissance, les chercheurs ont fait progresser la conception de divers sous-systèmes et composants, notamment l’unité de propulsion, le système de gestion des fluides et l’architecture de puissance. Chacun de ces sous-systèmes a fait l’objet de phases d’essai distinctes avant d’entreprendre la tâche la plus difficile, à savoir l’intégration et l’essai du SPE complet au niveau du système. Le test final du SPE intégré a été réalisé dans l’installation IV10 de SITAEL, l’une des plus grandes chambres à vide au monde pour les essais de propulsion électrique. «Au cours de nos essais révolutionnaires, nous avons allumé plusieurs fois le propulseur qui a parfaitement fonctionné dans la plage de puissance souhaitée de 12,5 à 25 kW en utilisant à la fois le xénon et le krypton comme gaz propulseurs», souligne Matteo Angarano. Cette phase nous a permis d’explorer divers aspects du fonctionnement du SPE en mode d’entraînement direct et dans des conditions de haute tension. L’architecture à entraînement direct nous permet de considérablement réduire la masse et d’augmenter l’efficacité de l’électronique de puissance. «Un des aspects révolutionnaires d’ASPIRE réside dans la prise en compte du krypton comme agent propulseur. Le xénon était généralement utilisé, mais le krypton constitue une alternative rentable, réduisant les coûts de qualification d’au moins un ordre de grandeur», ajoute Matteo. Angarano. «De plus, même si cela n’était pas prévu à l’origine, nous avons également décidé de tester le propulseur avec de l’argon. L’argon a récemment été envisagé comme une alternative encore plus économique au krypton pour la propulsion électrique. Il s’agit du premier essai mondial réussi d’un propulseur de 20 kW fonctionnant à l’argon.» Les chercheurs ont étudié les phénomènes plasmatiques pertinents et développé des codes de simulation pour évaluer les performances du propulseur dans le temps et sous diverses conditions de fonctionnement.
Pionniers de l’avenir de l’exploration spatiale
Aucun autre SPE de plus de 12,5 kW n’a encore atteint le stade de la qualification, ce qui place le système d’ASPIRE au premier rang des avancées prêtes à être qualifiées et à faire l’objet d’une démonstration en orbite. Cette avancée de taille est en partie due à la stratégie innovante d’ASPIRE, qui s’appuie sur des outils numériques prédictifs – une première à l’échelle mondiale – pour rationaliser le processus de qualification. «Ce fut un projet difficile, mais en fin de compte, les résultats ont récompensé nos efforts. Je suis impatient de voir bientôt un propulseur électrique propulser un engin spatial vers Mars et au-delà», conclut Matteo Angarano.
Mots‑clés
ASPIRE, qualification, krypton, argon, propulseur à effet Hall, propergol, propulseur de haute puissance, propulsion électrique de haute puissance