De l’influence du réchauffement de l’Arctique sur les événements climatiques extrêmes
Au cours des trois dernières décennies, l’Arctique s’est réchauffé plus vite que le reste de la planète, ce qui a provoqué des changements physiques sans précédent, illustrés par les records les plus bas jamais enregistrés en été en matière d’épaisseur de la glace de mer et de surface enneigée. L’impact de ces changements sur la météo et le climat des régions non arctiques, comme la partie nord de l’Eurasie, pourrait s’avérer substantiel dans la mesure où l’Arctique fait partie intégrante du système climatique mondial. Ces impacts ont potentiellement déjà été observés dans l’hémisphère nord au cours de la dernière décennie. Ils incluent un nombre accru d’occurrences de vagues de chaleur, des hivers exceptionnellement froids et des crues, souvent d’une force et d’une durée sans précédent. Le projet LAWINE, financé par l’UE, s’est fixé pour objectif de mieux comprendre les processus complexes qui sont susceptibles de lier l’amplification arctique à la météo et au climat de la partie nord de l’Eurasie, afin de contribuer à réduire les dommages provoqués par les événements climatiques extrêmes. Ces recherches ont été menées avec le soutien du programme Marie Curie. Comparer les observations et les modèles Les scientifiques étudient les interactions combinatoires des systèmes régionaux air-glace-océan qui entourent la partie nord du continent eurasiatique. «Nous avons étudié la corrélation entre, d’une part, les conditions météorologiques à grande échelle en Atlantique et les températures à la surface de la mer et, d’autre part, les températures atmosphériques et l’humidité dans le nord de l’Eurasie, ainsi que l’influence du modèle climat doux en Arctique - climat froid en Sibérie sur la circulation atmosphérique dans l’hémisphère nord», explique le professeur Petteri Uotila. Ces systèmes, qui interagissent et sont appelés «téléconnexions», impactent la météo et le climat régional. «Nous avons pris pour hypothèse que l’amplification arctique exerce une influence sur les conditions extrêmes du climat en Eurasie par le biais de ces téléconnexions, ainsi que dans d’autres régions comme l’Atlantique et le Pacifique», ajoute le professeur Petteri Uotila. Ce que les scientifiques comprennent du phénomène de téléconnexion reste incomplet du fait des modèles insuffisants et des observations limitées. Les modèles de prévision, loin d’être parfaits, présentent encore de nombreuses lacunes ce qui complexifie l’identification des mécanismes physiques à l’origine des téléconnexions et rend les résultats incertains. Les chercheurs ont tenté de combler ce manque de connaissances en étudiant les téléconnexions expliquant la corrélation entre les caractéristiques de l’océan et de la surface terrestre et l’occurrence d’événements climatiques extrêmes. «Nous avons comparé les résultats des observations et des modèles, puis nous avons sélectionné les modèles les plus réalistes, c’est-à-dire les plus aptes à décrire les téléconnexions», détaille le professeur Petteri Uotila. Mettre en évidence la complexité du climat Le projet a conçu, concrétisé et analysé des simulations de changement climatique afin d’identifier les mécanismes sous-jacents aux téléconnexions et d’améliorer la capacité prédictive des modèles. Il en a découlé une réduction de l’incertitude liée aux estimations de l’évolution des extrêmes climatiques dans la zone eurasiatique. Selon le professeur Uotila: «Nous avons identifié des problèmes dans les modèles couplés météo-climat et dans l’analyse rétrospective, qui ont pour effet de diminuer la précision des prévisions environnementales. Nous avons ensuite été en mesure d’expliquer un certain nombre de mécanismes physiques à l’origine de ces problèmes.» Les résultats du projet LAWINE ont mis en évidence la complexité du système climatique, l’importance relative de différentes téléconnexions et leurs interactions. «Par exemple, il est pratiquement impossible de séparer les effets régionaux de l’amplification arctique dans la zone eurasiatique des effets à l’œuvre au même moment et dont l’origine se trouve dans d’autres régions environnantes, comme les tropiques et l’Atlantique», souligne le professeur Uotila. Dans la mesure où les événements extrêmes peuvent provoquer des dommages majeurs et mettre en danger des vies humaines, il est extrêmement important de disposer d’une meilleure connaissance des mécanismes facilitant leur occurrence et augmentant leur intensité. Par conséquent, le projet LAWINE bénéficie directement à ceux qui mettent au point des modèles de prévision environnementale. Mais il est également très important pour l’utilisateur final dont la vie et le mode de vie pourraient dépendre de leur précision. «L’amélioration de la prévisibilité des événements météorologiques et climatiques extrêmes est un facteur important d’amélioration de la résilience et d’adaptation sociale», conclut le professeur Uotila.
Mots‑clés
LAWINE, climat, Arctique, extrême, téléconnexion, Eurasie, réchauffement, amplification