La protéine associée à la maladie d'Alzheimer peut pénétrer le cerveau
Des chercheurs ont découvert que des tissus non cérébraux contenant la protéine bêta-amyloïde peuvent se déplacer et «infecter» le cerveau. Les dépôts pathologiques de cette protéine ont été associés à la genèse de la maladie neurodégénérative connue sous le nom de la maladie d'Alzheimer. Le soutien de cette recherche provient du projet ERANET NEURON (Network of European Funding for Neuroscience Research), qui soutenait le projet MIPROTAN étant à l'origine de l'étude. ERANET NEURON, pour sa part, a reçu près de 3 millions d'euros dans le cadre du programme ERA-NET du sixième programme-cadre (6e PC). L'étude a récemment été publiée dans la revue Science. La maladie d'Alzheimer est la forme de démence la plus répandue; elle se déclenche à un âge avancé et les symptômes ont tendance à s'empirer graduellement. Elle demeure jusqu'à présent incurable et les scientifiques connaissent très mal les raisons de cette condition. Souvent, elle est diagnostiquée chez des personnes de plus de 65 ans bien qu'elle puisse se déclarer plus tôt. La maladie touche 27 millions de personnes dans le monde entier et, selon les prévisions, une personne sur 85 sur l'échelle mondiale sera affectée d'ici 2050. Dans l'étude qui nous concerne, dont l'objectif était de mieux comprendre la maladie, les scientifiques du l'institut Hertie de recherche cérébrale de l'Université de Tübingen (UT) en Allemagne et du centre allemand pour les maladies neurodégénératives (DZNE) ont injecté des tissus contenant des dépôts de bêta-amyloïde de souris âgées dans l'abdomen de souris plus jeunes. Plusieurs mois après les injections, les jeunes souris ont présenté des signes de présence de la protéine dans leurs cerveaux. La maladie d'Alzheimer et une pathologie vasculaire appelée angiopathie amyloïde cérébrale sont caractérisées par une accumulation de fragments de la protéine Abêta. Dans la maladie d'Alzheimer, les Abêtas mal repliées s'accumulent principalement sur des plaques amyloïdes, tandis que dans l'angiopathie amyloïde cérébrale, elles se déposent plutôt sur les membranes des vaisseaux sanguins, interférant leur fonctionnement et, dans certains cas, provoquant leur rupture. Ce qui, à son tour, génère une hémorragie intra-cérébrale. En 2006, des chercheurs de Tübingen, sous la direction du professeur Mathias Jucker, ont rapporté que l'injection de la bêta-amyloïde, tirée des cerveaux de patients décédés ayant souffert de la maladie d'Alzheimer ou de cerveaux de souris présentant des taux élevés d'Abêta, dans les cerveaux de souris transgéniques (génétiquement modifiées pour produire la forme humaine d'Abêta), a provoqué l'accumulation de la protéine dans leurs cerveaux. Dans l'étude qui nous concerne, les chercheurs ont découvert que les dépôts d'Abêta peuvent être provoqués dans les cerveaux de souris transgéniques par l'administration intrapéritonéale de tissus cérébraux d'Abêta mal repliée. Ils ont également compris que le temps nécessaire à l'accumulation de la protéine dans le cerveau était plus long lors d'une administration périphérique que pour une injection cérébrale directe. Toutefois, dans les deux cas, le dépôt d'amyloïdes a généré plusieurs changements neurodégénératifs et neuroinflammatoires que l'on retrouve souvent dans le cerveau de patients atteints d'Alzheimer et de l'angiopathie amyloïde cérébrale. «La découverte de l'existence de mécanismes permettant le transport de dépôts d'Abêta d'autres tissus jusqu'au cerveau soulève la question si l'accumulation et la propagation de la protéine, qui serait également impliquée dans d'autres maladies cérébrales neurodégénératives, pourraient être induites par des agents provenant des systèmes périphériques», commente le professeur Jucker. Ce dernier et ses collègues ont également suggéré que la protéine amyloïde aurait des qualités similaires à celles des prions. Les prions sont principalement constitués de protéines et peuvent se transmettre pour déclencher des pathologies telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ils nuancent toutefois que «malgré cette observation remarquable et les similitudes mécaniques apparentes entre la maladie d'Alzheimer et les maladies à prions, il n'existe aucune preuve que la maladie d'Alzheimer ou l'angiopathie amyloïde cérébrale se transmette entre mammifères ou les hommes de la même manière que les maladies à prions». Les résultats actuels apportent des renseignements sur les mécanismes pathologiques sous-jacents de la maladie d'Alzheimer, bien que davantage de recherche permette de conduire à de nouvelles stratégies pour la prévention et le traitement.
Pays
Allemagne