Comment se créent les souvenirs?
Une équipe de scientifiques britanniques a identifié l'une des principales protéines impliquées dans l'apprentissage et la formation des souvenirs. Les résultats, publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ont d'importantes implications sur l'étude de la maladie d'Alzheimer. Les chercheurs ont été financés partiellement par une subvention d'excellence Marie Curie du sixième programme-cadre (6e PC) de l'UE. Les scientifiques ont longtemps cherché à comprendre le mécanisme exact selon lequel notre cerveau apprend et forme les souvenirs permanents. Les souvenirs sont stockés dans un réseau complexe de neurones. Pour créer un souvenir, les neurones doivent activer la fabrication de protéines qui renforcent les connexions (synapses) entre eux. La famille de récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) est connue pour son rôle important dans la régulation de l'apprentissage et de la mémoire. Un sous-type de ces RCPG, appelé «famille de récepteurs muscariniques à l'acétylcholine», est impliqué dans la maladie d'Alzheimer. Des études récentes ont porté sur les récepteurs muscariniques-M1, mais leurs résultats ont été incertains. Dans l'étude actuelle, les scientifiques se sont concentrés sur le récepteur muscarinique-M3, une protéine exprimée dans le système nerveux central. Ils ont étudié des souris chez qui le récepteur muscarinique-M3 était déficient face à la phosphorylation (la phosphorylation, qui consiste en l'addition d'un phosphate à une protéine, peut activer ou désactiver cette protéine). Les souris ont subi un conditionnement de la peur, et leur comportement a été comparé à celui de souris normales. Après les tests, leurs tissus cérébraux ont été analysés. Les scientifiques ont constaté que le récepteur M3 et son état de phosphorylation était essentiel pour l'apprentissage et la mémoire. «Cette protéine est présente dans la région du cerveau dans laquelle les souvenirs sont stockés», expliquait le professeur Andrew Tobin de l'université de Leicester au Royaume-Uni. «Nous avons découvert que la formation d'un souvenir impose l'activation de cette protéine, le récepteur muscarinique-M3.» Le groupe a découvert que le récepteur muscarinique-M3 subit une modification spécifique au cours de la formation d'un souvenir. En effet, sans ce changement, le souvenir ne peut être créé. «À ce propos, notre étude a révélé au moins l'un des mécanismes moléculaires agissant dans le cerveau lors de la formation d'un souvenir, ce qui représente une avancée majeure dans notre compréhension du phénomène», expliquait le professeur Tobin. L'étude éclaircit quelques points importants sur le fonctionnement du cerveau, aidant ainsi les scientifiques à explorer les causes de la maladie d'Alzheimer. Cette forme progressive de démence détruit les cellules cérébrales, provoquant ainsi de graves pertes de mémoire et des troubles de la réflexion et du comportement. Jusqu'à présent, il n'existe aucun remède. «Ces résultats sont intéressants en eux-mêmes, mais ils ont aussi d'importantes implications cliniques», explique le professeur Tobin. «L'un des principaux symptômes de la maladie d'Alzheimer est la perte de mémoire. Notre étude identifie l'un des principaux processus impliqués dans la mémoire et l'apprentissage et nous expliquons dans notre article que les médicaments conçus pour cibler la protéine identifiée dans notre étude seraient intéressants dans le traitement de la maladie d'Alzheimer.» Et le professeur Tobin d'ajouter: «Il était passionnant d'observer les processus moléculaires impliqués dans la formation de la mémoire. Nous sommes enchantés non seulement de l'importance scientifique de nos résultats mais également de leur contribution à la conception de médicaments pour le traitement de la maladie d'Alzheimer.»
Pays
Royaume-Uni, États-Unis