Pourquoi certaines personnes tolèrent-elles mieux le paludisme que d'autres?
Une équipe de chercheurs du Portugal et des États-Unis a montré l'importance d'une enzyme antioxydante, présente naturellement dans le corps, dans la tolérance au Plasmodium, le parasite responsable du paludisme. Les résultats de l'étude, en partie financée par l'UE, ont été publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Ils offrent une nouvelle approche vers un traitement contre cette maladie mortelle. L'étude découle du projet Xenome («Engineering of the porcine genome for xenotransplantation studies in primates: a step towards clinical application»), qui a reçu un financement de 9,9 millions d'euros au titre du domaine thématique «Sciences de la vie, génomique et biotechnologie pour la santé» du sixième programme-cadre (6e PC), afin d'étudier les nouvelles applications de santé résultant des connaissances acquises en génétique. Le paludisme est l'une des principales causes de décès prématuré dans le monde, mais le nombre de personnes infectées par Plasmodium et pour lesquelles l'issue est fatale représente un pourcentage relativement faible (1 à 2%). Après tout, le parasite a tout intérêt à garder son hôte vivant. Il semblerait que le décès d'un individu suite à l'infection dépende de sa résistance à la maladie et de sa tolérance envers l'infection. Mais les causes de cette tolérance étaient jusqu'ici mal comprises. Une équipe de chercheurs, sous la direction de Miguel Soares de l'Instituto Gulbenkian de Ciência au Portugal, a étudié des souris infectées par Plasmodium. Les chercheurs ont montré comment le parasite se multiplie dans les globules rouges, entraînant leur destruction et la libération dans le sang de l'hémoglobine (la protéine qui transporte l'oxygène dans ces cellules). Cette hémoglobine libre peut à son tour libérer son cofacteur hème (qui contient un atome de fer) avec des résultats parfois dévastateurs. Parmi les nombreuses stratégies déployées par les souris pour contrer cet effet, les chercheurs ont constaté l'augmentation de la production de l'enzyme hème oxygénase-1 (HO-1), qui détruit les cofacteurs hème. Ils ont également remarqué que les souris bénéficiant d'un taux élevé de HO-1 ne montraient pas de graves symptômes du paludisme. Ces résultats ont été confirmés lorsque les scientifiques ont injecté aux souris la N-acétylcystéine (NAC), un médicament antioxydant, et constaté le même effet protecteur. Le système hème/HO-1 décrit par l'équipe explique certaines formes graves de paludisme, cérébral ou non, y compris celles qui conduisent finalement à un dysfonctionnement de nombreux organes. Point important: l'étude a démontré que l'effet protecteur de l'enzyme HO-1 contre les hèmes libres augmentait la tolérance à une infection à Plasmodium. «L'action antioxydante de l'enzyme HO-1 est l'une des stratégies naturelles de défense contre le parasite du paludisme», explique le Dr Soares. «Elle apporte une protection puissante contre la maladie mais, et c'est assez surprenant, semble ne pas affecter directement le parasite. Dans certains cas, la réaction de l'individu infecté contre le parasite peut conduire à son décès. La protection apportée par l'enzyme HO-1 permet à l'hôte de réagir pour éliminer le parasite tout en assurant sa propre survie.» D'après le Dr Soares, les résultats de l'étude montrent que l'on pourrait appliquer d'autres approches pour soigner le paludisme qui, au lieu de chercher à tuer directement le parasite, «renforceraient la santé de l'hôte afin qu'il puisse se débarrasser du parasite et survivre». Ce genre d'approche «devrait apporter une forte protection contre les formes graves de la maladie et donc sauver des vies sans pour autant favoriser l'apparition de lignées résistantes du Plasmodium», conclut-il. Les chercheurs espèrent que cette même stratégie s'appliquera à d'autres maladies infectieuses.
Pays
Portugal, États-Unis