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Un gène égoïste pousse les cellules de levure à coopérer

Des chercheurs financés par l'UE ont identifié un gène unique qui induit un comportement social chez les cellules de levure. Les cellules de levure pourvues du gène FLO1 se serrent les coudes pour se protéger les unes les autres des menaces extérieures, notamment des antibioti...

Des chercheurs financés par l'UE ont identifié un gène unique qui induit un comportement social chez les cellules de levure. Les cellules de levure pourvues du gène FLO1 se serrent les coudes pour se protéger les unes les autres des menaces extérieures, notamment des antibiotiques ou de l'alcool. En revanche, les cellules dépourvues de ce gène sont exclues du groupe. Les résultats de l'étude ont non seulement apporté de nouvelles informations sur le comportement social et les processus de fermentation des gènes égoïstes, mais pourraient également se révéler utiles dans l'industrie brassicole et les hôpitaux, où de nombreux types de levure à l'origine de maladies se rassemblent et deviennent très difficiles à traiter. L'étude, publiée dans la revue Cell, a été partiellement soutenue par le projet européen FUNGWALL («The fungal cell wall as a target for antifungal therapies»), financé au titre du domaine thématique «Sciences de la vie, génomique et biotechnologie pour la santé» du sixième programme-cadre (6e PC). La capacité de la levure (Saccharomyces cerevisiae) à s'agglomérer est bien connue des brasseurs, qui exploitent cette propriété pour éliminer la levure de bière une fois le processus de fermentation terminé. Toutefois, cette caractéristique a souvent été ignorée des scientifiques, et cette tendance à s'agglomérer (appelée floculation) a été éliminée chez de nombreuses souches de levure utilisées en laboratoire. Dans cette étude, des chercheurs de Belgique, de France et des États-Unis ont expliqué qu'un seul gène, le FLO1, était responsable de la floculation. FLO1 produit une protéine adhésive sur la surface des cellules qui force les cellules individuelles à se coller les unes contre les autres et à former ainsi de grands amas (appelés flocs) composés de milliers de cellules. Les cellules se trouvant dans ces flocs sont protégées du stress, des antibiotiques et d'autres dangers par des cellules qui se trouvent à la périphérie et se sacrifient pour l'intérêt général. On pourrait s'attendre à ce qu'un tel système favorise les «tricheurs», c'est-à-dire les cellules qui ne produisent pas cette protéine collante mais qui, toutefois, bénéficient de la protection des flocs. En théorie, ces cellules «tricheuses» sont censées mieux s'en sortir que les cellules qui ne «trichent» pas, et finissent par dominer la population. Mais ceci arrive très rarement. La coopération est souvent avantageuse pour les cellules qui aident et celles qui sont aidées. Chaque cellule peut être appelée à aider ses proches, ce qui permet de s'assurer que leurs gènes (que leurs proches possèdent également) sont passés à la génération future. Toutefois, dans le cas de la levure, FLO1 résout le problème des cellules tricheuses d'une autre manière. «De façon étonnante, les cellules qui expriment FLO1 ne combattent pas uniquement le stress, mais peuvent également éliminer les cellules qui n'expriment pas ce gène, laissant ainsi les cellules tricheuses sans aucune protection», explique Kevin Verstrepen de l'université d'Harvard aux États-Unis et de l'institut flamand de biotechnologie (VIB) en Belgique. «Un gène fait tout le travail.» Selon les chercheurs, le mécanisme impliqué est simple: deux cellules possédant les protéines FLO1 peuvent former un double lien qui serait plus solide qu'une simple interaction entre une cellule possédant les protéines collantes et une qui n'en a pas. L'effet de FLO1 est si puissant que les cellules de levure de différentes espèces peuvent s'agglomérer à partir du moment où elles expriment le gène FLO1. Cela a poussé les chercheurs à penser que FLO1 serait probablement un gène «barbe verte». Ce sont des gènes qui poussent à la coopération et s'assurent que les individus altruistes soient identifiés, afin que les cellules tricheuses soient éliminées et ne dominent pas la population. Jusqu'à présent, très peu de gènes à effet «barbe verte» ont été découverts. «FLO1 confirme la 'théorie du gène égoïste', selon laquelle les gènes, et non les génomes, sont au centre de l'évolution», commente Kevin Foster, de l'université d'Harvard. «FLO1 est un gène égoïste qui encourage sa propre prolifération sans nécessiter l'influence du reste des gènes du génome, bien qu'il exerce son caractère égoïste en promouvant un acte social de coopération.» L'étude pourrait avoir d'importantes implications. Les chercheurs ont découvert que la levure produisait uniquement des protéines collantes lorsqu'une autre substance chimique lui indiquait que plusieurs autres cellules se trouvaient à proximité. Les brasseurs pourraient utiliser cette information afin de contrôler la propriété de floculation et ainsi d'optimiser la production de bière. En ce qui concerne les applications cliniques, les cellules de levure responsables de certaines maladies s'agglomèrent en biofilms, lesquels sont extrêmement difficiles à traiter. Pour les personnes dont le système immunitaire s'est affaibli suite à un traitement anticancéreux, à une infection au VIH ou à une transplantation d'organe, ces infections peuvent être fatales. «Chaque année, ce n'est ni le sida ni le cancer qui provoquent la mort de milliers de personnes, mais bien les infections à levure», conclut le docteur Verstrepen. «Une fois entrées dans le flux sanguin, elles peuvent être extrêmement dangereuses.» Une meilleure compréhension des causes de la floculation de la levure permettrait aux médecins de combattre ces infections, espèrent les chercheurs.

Pays

Belgique, France, États-Unis

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